La mise au point – Comment obtenir une image bien nette (ou pas ! 😀 )

La mise au point est un sujet très commun, tant pour le visuel que pour le domaine photographique. C’est surtout pour le second domaine que ce dossier s’attaque à la démystification des techniques. La sensation de netteté est tout à fait personnelle, c’est une affaire de goût, ce qui complique forcément les choses. Les uns cherchent l’image très « piquée » et fine en détails. D’autres préfèrent un certain « flou » artistique. Néanmoins, il existe bien un point de netteté précis. Pour les premiers, trouver ce point avec précision avec certitude et faire confondre ce point exactement avec la surface de la pellicule ou la surface du capteur numérique équipant leur appareil, n’est pas toujours chose aisée. Trouver le point de netteté au pif est une opération plus que risquée ! Heureusement, la mise au point automatique en photographie traditionnelle a révolutionné sa pratique.

Même après l’avénement du numérique et de l’autofocus, deux mises au point sont toujours possibles :

  • La mise au point manuelle
  • La mise au point automatique

Selon le type d’appareil photo utilisé (compact, bridge ou reflex), la mise au point automatique peut faire appel à diverses techniques pour accrocher le point sur la cible à saisir. La mise au point manuelle peut prendre également différents aspects selon l’appareil employé. L’objectif n’est pas ici d’établir une liste exhaustive de ces techniques avec leur détail fonctionnel mais d’aborder les artifices les plus courants développés par les ingénieurs pour obtenir une image bien nette…

Généralités

La mise au point est l’opération qui permet d’obtenir une image nette du sujet dans son ensemble et plus particulièrement de la partie du sujet qui est le centre d’intérêt. Selon si nous pratiquons cette mise au point en astronomie ou en photographie traditionnelle, celle-ci s’obtient par rotation/translation de l’objectif, de la crémaillère de la lunette astronomique ou du miroir primaire d’un télescope Schmidt-Cassegrain. Selon la longueur focale de l’objectif symbolisée par la lentille sur l’illustration ci-dessous par rapport au sujet, on observera divers comportements de l’image projetée lors de la recherche de cette fameuse mise au point :

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Illustration issue de la 7ème édition de 1973 du livre « Initiation à la photographie Noir et couleur » de Marcel Bovis et Louis Caillaud

On constatera sans entrer dans les détails une corrélation parfaite entre la croissance de la longueur focale de l’objectif et celle de l’image projetée sur la surface sensible. Rien de surprenant à cela : Un téléobjectif permet de « grossir » un sujet contrairement à un objectif normal à la longueur focale beaucoup plus courte. Cependant, dans le cas extrême de l’utilisation d’une très grande longueur focale (dernier cas, tout à fait en bas de l’illustration) sur un sujet excessivement proche de l’objectif, l’image formée par la lentille s’en va vers l’infini sans jamais pouvoir se concentrer sur une surface : Aucune image ne peut se former ! Les exemples extrêmes étant souvent forts parlants pour les novices, disons qu’utiliser un télescope d’une longueur focale de 2000mm n’est pas ce qui se fait de meilleur objectif pour saisir une fleur dans son vase placée à seulement 50 cm de l’appareil ! Essayez un objectif d’une longueur focale de 50mm, cela marchera mieux 😀 😉 !!!

La mise au point d’un point de vue purement technique est tout simplement un savant compromis entre la longueur focale de l’objectif utilisé et la distance du sujet par rapport à l’objectif. Rien de surprenant là encore que la bague de mise au point d’un objectif s’exprime sous la forme de distances (distance du sujet !). Selon la distance du sujet à mettre au net par rapport au photographe, cette bague de mise au point pourra être ajustée pour atteindre la netteté en faisant correspondre la valeur de distance de cette bague de l’objectif avec la distance effective réelle du sujet d’intérêt par rapport au boitier.

L’autofocus est une technologie consistant tout bêtement à assister le photographe dans l’estimation de cette distance et à la rapporter automatiquement sur la bague de l’objectif utilisé pour garantir instantanément la netteté sur le point choisi par l’opérateur via un collimateur choisi manuellement ou automatiquement.

La mise au point manuelle

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Illustration issue de la documentation officielle du boitier argentique MINOLTA XD-5

Né en 1982, je fais parti de la dernière génération ayant connu la mise au point totalement manuelle sur film argentique grâce au boitier argentique MINOLTA de mon père avant que n’apparaisse l’autofocus qui allait révolutionner complétement la façon de photographier. Toutefois, même aujourd’hui, dans certains domaines comme l’astronomie ou dans le cadre de la réalisation de photographies très spécifiques, la mise au point manuelle est une option possible et accessible à tout moment, même sur les tous derniers compacts numériques disponibles sur le marché. Avant l’arrivée de l’autofocus, la mise au point manuelle était la seule façon d’obtenir une image nette, il n’existait alors pas encore d’alternative plus confortable et plus réactive.

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Illustration issue de l’édition de 1979 du livre « la photo à la portée de tous » d’Antoine Desilets
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Le Stigmomètre

Pour faciliter la mise au point, on doit à un ingénieur issu initialement de l’Ecole des Beaux-Arts dénommé Lucien Dodin, l’invention du Stigmomètre en 1943 que celui-ci préférait appeler « télémètre à champ coupé » ou « télémètre Dodin ». Incorporé de série au verre de visée d’un trés grand nombre de boitiers argentiques d’avant l’avénement de l’autofocus, il permettait par un principe simple et très précis de mettre au point sur n’importe quel sujet. Il rappelle curieusement, le principe du couteau de FOUCAULT. Ce spot divise l’image en deux. Si le point de netteté n’est pas confondu avec le plan du film, l’image apparaît clairement divisée. Comme vous l’aurez compris, mettre au point l’image consiste à agir sur l’objectif ou sur la mise au point particulière de l’instrument d’astronomie, jusqu’à ce que l’image apparaisse uniforme, sans division. Arrivé à ce stade, on avait la certitude que l’image était nette sur le film. J’ai personnellement longtemps utilisé ce principe jusqu’en début 2005 pour la mise au point sur la lune, à l’arrière d’une lunette ou d’un télescope, avec succès.

Le stigmomètre appartient à la grande famille de la mise au point télémétrique et plus précisément de la télémétrie à coincidence de lignes. La télémétrie à coïncidence d’images, inventée plus tôt autour de 1916 selon le principe de la triangulation entre deux images, atteignit ses limites avec le reflex car elle n’était performante qu’avec les optiques très ouvertes. Le stigmomètre de Lucien Dodin s’avéra alors très rapidement une invention très brillante avant celle de l’autofocus pour estimer avec justesse les distances des sujets à photographier avec les boitiers les plus modernes.

L’autofocus a fait disparaître ce redoutable dispositif sur tous les boitiers reflex depuis le début des années 90. Il est désormais uniquement possible d’en utiliser un sur votre appareil en achetant en option sur internet ou dans une boutique ultra-spécialisée un verre de visée comprenant un stigmomètre. Cependant, à oeil vaillant rien d’impossible car à l’été 2005, j’ai constaté qu’avec un peu d’habitude il était tout à fait possible de réussir des images parfaitement nettes d’oiseaux avec une lunette en affût en effectuant la focalisation directement à partir du viseur clair d’origine du NIKON D70 sans l’apport d’un stigmomètre.

La mise au point automatique – Autofocus (AF)

La mise au point automatique ou autofocus (AF) est un oeil électronique simplifiant considérablement l’opération de focalisation en apportant de surcroît une plus grande plage de réactivité au photographe pour saisir des scènes très rapides. L’AF est un système bien plus complexe que la télémétrie à coincidence de lignes et il en existe un certain nombre de variantes en fonction de l’appareil utilisé. Bienvenue dans la télémétrie électronique.

Deux grandes familles de systèmes de télémétrie électronique se distinguent immédiatement :

  • Les systèmes passifs
  • Les systèmes actifs

Selon s’il s’agit d’un camescope numérique, d’un compact, d’un bridge ou d’un reflex, on rencontrera soit l’un, soit l’autre de ces deux systèmes.

Les systèmes passifs

Les systèmes passifs sont ultra-majoritaires dans la télémétrie électronique. Ces systèmes ne nécessitent aucune émission de signal. Cette télémétrie passive exploite uniquement la lumière réfléchie par le sujet. On rencontre deux systèmes passifs dans les appareils photo modernes :

  • Autofocus à mesure de contraste d’image
  • Autofocus à détection de contraste de phase

Mon soucis a été de détailler ses systèmes sans assommer mes chers lecteurs par trop de richesse technique. Je dois avouer que la rédaction de ce dossier ne fut pas simple car je suis moi-même de ce fait totalement partie à la découverte de systèmes méconnus qu’il me fallut aussi comprendre. Il n’est pas courant, pas plus qu’il apparaît obligatoire lorsqu’on est photographe de partir à la compréhension pointue des systèmes sommeillant dans tous les outils que l’on manipule. La naissance de cet exposé tient juste au fait de la naturelle grande curiosité me caractérisant personnellement…

Autofocus à mesure de contraste d’image

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La télémétrie électronique par mesure de contraste d’image équipe tout particulièrement les compacts. On retrouvait ce type de mesure dans mon ancien NIKON COOLPIX P7100 (sorti en 2010). Moins coûteux, il est aussi moins performant que celui des reflex se basant sur la détection de contraste de phase. On le retrouve néanmoins désormais systématiquement sur les boitiers reflex récents dotés de la visée sur écran (liveview) en qualité de second système d’autofocus ; La mesure de contraste d’image consistant justement en l’exploitation de l’image du capteur principal pour effectuer la focalisation.

C’est le même type d’autofocus équipant les camescopes numériques.

Les performances très mitigées de ce type d’autofocus en conditions difficiles s’expliquent par la nature même de son mode opératoire consistant à considérer la netteté d’une image proportionnelle à l’intensité de son contraste. Sa précision est souvent très bonne mais dans certains cas, l’autofocus se trompe de cible sur laquelle faire le point à cause de cette recherche de contraste. Quant à sa lenteur, elle trouve son explication par sa nécessité de faire du flou pour garantir sa précision…Vous suivez toujours ?

Contrairement à l’autofocus à détection de contraste de phase, nous venons de le découvrir, la mesure de contraste d’image consiste à comparer plusieurs images successives produites par le capteur principal. Le principe même de cette mesure rend l’autofocus excessivement peu véloce sur un sujet agité dont la distance change très fréquemment entre deux mesures successives. Pour optimiser la vitesse de fonctionnement de cet autofocus dès le modèle P7100, NIKON a conçu un type d’objectif spécial communiquant sa position et dont le moteur permet des mouvements très rapides. Malgré tous ces efforts, la mesure de contraste d’image reste très en dessous de l’efficacité avérée d’une détection de contraste de phase.

Autofocus à détection de contraste de phase

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L’autofocus d’un reflex utilise un principe de télémétrie électronique bien différent de celui d’un compact. La détection de contraste de phase est la version automatisée de la télémétrie à coincidence de lignes. Plusieurs détecteurs se coordonnent conduisant à un fonctionnement très similaire du stigmomètre de Lucien Dodin. Le principe de cet autofocus est de regarder la même image en deux chemins opposés par rapport au centre de l’objectif et de mesurer le décalage symétrique des franges de contraste des deux images comme une lentille à champ coupé.

Contrairement à l’autofocus d’un compact, celui d’un reflex ne recherche pas le point mais le calcul une seule fois à partir de la mesure du décalage symétrique entre les deux images et commande l’objectif de façon à l’annuler. Il en découle une réactivité bien supérieure à celui d’un compact car l’appareil ne recherche aucune netteté à partir de plusieurs images comme la mesure de contraste d’image. Le gain de temps et la précision sont considérables, cela d’autant plus avec l’utilisation simultanée des moteurs supersoniques très silencieux implantés dans les objectifs AF à microprocesseurs construits par NIKON, CANON, SIGMA et TAMRON.

Les systèmes actifs

Les systèmes actifs sont des autofocus fonctionnant selon le principe de l’émission d’un signal pour effectuer une mesure télémétrique. Il s’agit de systèmes atypiques dont très peu d’appareils sont équipés. Il s’agit de systèmes en nette récession. Dans l’histoire de la photo, seul un ancien reflex de Polaroïd est connu pour avoir utilisé un système actif mais aussi les premiers camescopes. Deux types de signaux sont utilisables :

  • L’ultrason
  • L’infrarouge

Un système actif consiste à envoyer un signal en direction de la cible. Dans le cas de l’ultrason, on mesure le temps mis par le son pour faire un aller-retour entre l’appareil et la cible. Dans le cas de l’infrarouge, on effectue une triangulation et l’autofocus est commandé par un servomoteur.

L’infrarouge ressemble beaucoup dans son principe à l’automatisation de la télémétrie à coïncidence d’images apparue pour la première fois en 1916.