Numérisation d’un support argentique

Je n’ai pas attendu l’apparition de la technologie numérique pour débuter l’imagerie. Officiellement, l’année 1997 marque mes débuts de photographe dans le domaine astronomique avec la réalisation de ma première image mémorable : La comète Hale-Bopp accrochée sur le velours de la nuit entre les constellations de Cassiopée, Persée et Andromède. Pour immortaliser cet événement exceptionnel, pas de capteur CCD/CMOS ni de carte mémoire à l’époque mais un film négatif couleur enroulé dans une pellicule de 36 poses installée dans le boîtier MINOLTA semi-mécanique de mon père, développée ultérieurement dans une boutique d’un grand centre commercial. Jusqu’aux trois premiers mois de l’année 2005, le film argentique sera un support très largement utilisé dans mes activités. L’achat de mon premier reflex numérique, le NIKON D70, portera le coup de grâce final à l’utilisation de ces consommables.

Tous mes travaux photographiques réalisés sur film entre 1997 et début 2005 seraient lettre morte pour mes visiteurs si le moyen de les convertir en fichiers numériques n’existait pas. Comme bon nombre de photographes issus initialement du monde de l’argentique, mes premiers pas dans l’ère numérique se feront à partir d’un outil appelé scanner. Au début des années 2000, internet était encore fort timide dans les foyers et nous ne trouvions pas grand-chose sur la toile en informations sur la numérisation d’épreuves argentiques ; mon apprentissage de cette transformation d’état de mes clichés se fit donc directement à partir de ma seule pratique régulière personnelle de cette tache semée de succès mais aussi de quelques embûches. Il s’agit très certainement des rares domaines où j’eus pour seul secours ma détermination et l’écoute de mes intuitions pour unique procédure pour parvenir à mes fins.

Cet exposé symbolise le carrefour entre ma propre expérience autodidacte de numérisation et ce que d’autres critères d’ordre théorique appréhendés au gré de mes recherches permettent d’approfondir la grande question de la reproduction d’une image argentique au format numérique. Destiné aux particuliers qui réalisent eux-mêmes la numérisation et la reproduction de leurs images sur consommables (négatifs et diapositives) avec un scanner ordinaire (à plat) ou avec un scanner spécifique (“mange-négatifs” ou “mange-diapositive”), mon dossier tend à démontrer qu’un individu lambda très bien préparé à la manoeuvre peut réussir lui-même d’assez bonnes reproductions de ces supports avec le plus modeste des scanners du marché.

Numériser : De nombreux paramètres en jeu

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Produit de départ : Les supports argentiques

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L’imagerie argentique est représentée par deux supports différents :

  • La diapositive
  • Le négatif

Ils ont chacun leur(s) avantage(s) et leur(s) inconvénient(s). Pour en comprendre les caractères structurels, vous pouvez vous référer à mon autre exposé consacré tout particulièrement à l’imagerie argentique.

La diapositive est un support habituellement utilisé pour la projection sur un écran, il se présente sous la forme d’une image insérée dans un cache très rigide en carton dur ou en plastique permettant son insertion dans un rétroprojecteur spécifique. Le principal avantage de la diapositive est sa manipulation aisée pour la placer sur la vitre du scanner si celui-ci est à plat.

Deuxièmement, la diapositive est parfaitement transparente et beaucoup plus résistante aux rayures et poussières que le négatif, ce qui facilite la reproduction des images où une très bonne résolution de numérisation est indispensable.

Enfin, la diapositive présente surtout les avantages d’une lecture directe des images en positif et un contraste très élevé inégalable qu’aucun film pour négatifs ne peut prétendre. Seul inconvénient, dans la majorité des magasins, le développement des diapositives exige un délai d’environ une semaine.

Le négatif est un support habituellement utilisé exclusivement pour le tirage sur papier brillant, il se présente sous la forme d’un rouleau ou de feuilles découpées 4 négatifs par 4 négatifs et protégées par un étui plastique transparent. Il craint les traces de doigts, les poussières adhérentes et l’humidité. Il n’a qu’un avantage de taille, c’est le délai. N’importe quel magasin est en mesure de développer (et éventuellement de tirer sur papier) une pellicule pour négatifs en 30 minutes ou en 1 heure. Enfin, financièrement, le film pour négatifs est toujours le grand gagnant sur la diapositive quelques soient les catégories (courantes ou professionnelles). Le négatif est le support photographique de “monsieur tout le monde”. C’est le support qui équipait les appareils photo jetables.

Les différents types de scanners

Différents types de scanners existent sur le marché. La plupart peuvent être adaptés à la numérisation d’images. Certains sont plus ou moins limités dans leur usage en fonction de la nature de la source de départ pour effectuer la numérisation :

  • Est-ce un tirage papier ?
  • Est-ce un négatif ?
  • Est-ce une diapositive ?

Sur le marché, on retrouve trois grandes familles de scanners :

  • Les scanners à plat
  • Les scanners à dos lumineux
  • Les scanners spécifiques à films

Le plus polyvalent de ces trois types demeure le scanner à dos lumineux puisqu’il permet la reproduction de toutes sortes de documents jusqu’au format A4 (tirages papiers, négatifs, diapositives, courriers,…). Il s’agit précisément du scanner que j’ai utilisé en 2003 et 2004 pour la numérisation de mes images argentiques du ciel à partir de leurs tirages papier, des négatifs ou/et diapositives originaux (photo ci-contre).

Le scanner à plat est malheureusement limité à la reproduction de documents opaques soit la numérisation de photographies à partir de leurs tirages papiers uniquement. Il s’agit d’une solution très économique si la bibliothèque d’images à reproduire ignore les supports transparents ou translucides.

Pour la qualité optimale de reproduction des films et des diapositives, le scanner spécifique à films s’impose indiscutablement grâce à sa mise au point spécifique et quelques autres raffinements technologiques (tels que le Digital ICE ou bien encore le passe-vues motorisé) qui font sa suprématie dans ce domaine.

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Etudier les différents types de scanners ouvre la voie à d’autres considérations techniques importantes influençant sur la qualité de reproduction :

  • La notion de résolution (Résolutions optique et d’analyse)
  • La Dmax (Densité optique maximale)
  • La profondeur de couleur et format de fichier de sortie
  • Le type de capteur
  • La technologie ICE
  • Les logiciels d’optimisation
  • Derniers ajustements…

La notion de résolution

La résolution est une donnée très importante car elle exprime la capacité d’un scanner à capturer les très fins détails d’une image indépendamment de sa capacité à effectuer une bonne mise au point sur le support reproduit. On retrouve parallélement cette même notion de résolution en astronomie lorsqu’il s’agit de choisir sa lunette et son télescope. Tandis que cette résolution optique est habituellement exprimée en seconde d’arc, on retrouve cette résolution dans la scannérisation de documents exprimée en dpi/ppp (points par pouce en français). Deux résolutions jouent un rôle combiné dans le cheminement de l’image :

  • Résolution optique fixe, propre au scanner
  • Résolution d’analyse modulable, choisie par l’utilisateur au moment de la reproduction

Une bonne pellicule 24×36 semble présenter selon plusieurs sources une résolution d’analyse limite autour de 5000 dpi. Dès la résolution d’analyse de 4000 dpi, un très bon scanner parvient à saisir la granulation du film. La résolution de 3600 dpi apparaît comme un bon compromis entre poids du fichier généré et qualité de reproduction du film. Cette résolution d’analyse est également déterminée par la destination finale de l’image (haute-définition sur CD, tirage papier ou visionnage sur la toile Web uniquement). La résolution d’analyse sera d’autant plus élevée que la taille de reproduction visée sera importante. Selon la destination de l’image, la résolution d’analyse requise ne sera pas identique. Une formule existe pour déterminer la résolution d’analyse à appliquer à l’image en fonction de son utilisation ultérieure. Communément, on retiendra que la résolution finale doit être de :

  • 72 dpi pour un simple visionnage sur écran
  • 300 dpi pour une impression de qualité sur papier photo

La formule est simple : Résolution d’analyse = Rapport d’agrandissement x Résolution finale

Le rapport d’agrandissement s’applique couramment sur la scannérisation d’un négatif ou d’une diapositive dont le format de 2,4 x 3,6 cm est bien trop peu petit pour que l’image soit significative sur le papier. Le format 10 x 15 cm est le format de tirage papier courant que produisait jadis un labo photo à partir de ce type de support. Pour y parvenir, le rapport courant d’agrandissement était de (côté du tirage en cm)/(côté du négatif en cm) soit 10/2,4 = 4,16. En prenant la formule finale précédemment exposée, la résolution d’analyse à indiquer au scanner est donc de 1250 dpi (4,16 x 300 dpi).

Le tableau ci-dessous est particulièrement explicite sur l’utilisation de ce jeu de formules :

Destination de la numérisation

Résolution de sortie

Résolution d’analyse

Ecran HD (1920 x 1080 pixels)

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1350 dpi

Tirage 10 x 15 cm

300 dpi

1250 dpi

Tirage 13 x 19,5 cm

300 dpi

1625 dpi

Tirage 15 x 22,5 cm

300 dpi

1875 dpi

Tirage 20 x 30 cm

300 dpi

2500 dpi

Tirage 30 x 45 cm

250 dpi

3125 dpi

Tirage 76 x 115 cm

200 dpi

6400 dpi

La Dmax (densité optique maximale)

La densité optique me fait curieusement penser à la notion d’albédo (du latin “blancheur”) que l’on retrouve en astronomie. L’albédo varie selon les valeurs de 0 à 1. Le 0 définit le noir parfait absorbant toute la lumière sans la moindre réflexion ; le 1 définit le miroir parfait réfléchissant toute la lumière sans la moindre absorption. Selon des mesures, un corps réfléchissant au moins 80 % de la lumière paraît blanc et le corps réfléchissant moins de 3% paraît noir.

La densité optique d’un scanner illustre le même phénomène d’albédo. Un scanner doit être capable de restituer une large de tons entre le blanc parfait et le noir parfait, entre zones d’ombres (pas trop denses) et les zones lumineuses (pas trop brulées). Cette densité optique peut être encore davantage rapprochée de la notion de dynamique à laquelle tout photographe est habitué en imagerie numérique avec les appareils modernes. Qui n’as jamais entendu parler de la technique HDR (Haute Dynamique) visant à saisir toute la dynamique d’une image en élargissant la gamme de tous les tons enregistrés ?

La Dmax d’un scanner, densité optique maximale, correspond justement à l’albédo 0 du noir parfait. Plus la valeur de la Dmax du scanner est élevée, plus celui-ci sera en mesure de saisir des détails dans les tons les plus sombres comme les plus clairs d’une image. Cette valeur élevée se révèle importante pour numériser des diapositives très contrastées. Il convient de se doter d’un scanner à la Dmax importante (d’au moins 4) pour saisir les supports les plus difficiles.

La profondeur de couleur et format de fichier de sortie

Profondeur de couleur et format de fichier de sortie sont deux paramètres essentiels car d’eux vont dépendre la richesse des couleurs et l’intégrité des informations collectées par le scanner sur l’original physique (papier, négatif, diapositive).

Les anglo-saxons utilisent un terme sans traduction française : Le Gamut. En mode couleur RVB (Rouge, Vert, Bleu), le Gamut se révèle plus étendu que dans le mode CMJN (Cyan, Magenta, Jaune, Noir). En règle générale, un Gamut étendu tel que le RVB permet d’utiliser beaucoup plus de couleurs qu’un Gamut plus étroit comme le CMJN. Cette majoration de couleurs dans l’espace RVB contient généralement des teintes plus vives, plus brillantes, plus éclatantes.

La profondeur de couleur est le nombre réel de couleurs disponibles dans une image. Le codage de couleur (8 bits ou 16 bits par couche) définit le nombre de couleurs contenu dans une image selon l’espace RVB. Le format de fichier de sortie choisi influence sur le nombre maximal de bits par couche possible.

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Pour scanner des documents, je privilégie toujours le format TIFF car il produit des données sans perte et accepte le codage en 8 bits ou/et 16 bits par couche. Les fichiers TIFF sont parmi les plus volumineux mais ce n’est pas un hasard car il s’agit du format contenant le plus d’informations de couleur. Le format JPEG est à utiliser avec précaution car il n’accepte que le codage en 8 bits et surtout il s’agit d’un format à compression destructive ; personnellement je ne l’utilise que pour la mise à disposition de mes images sur le web mais certainement pas comme format de fichier de travail.

La profondeur de couleur d’un fichier en 8 bits/couche dans l’espace RVB (8 bits x 3 = 24 bits) atteint communément les 16,7 millions de couleurs.

La profondeur de couleur d’un fichier en 16 bits/couche dans l’espace RVB (16 bits x 3 = 48 bits) atteint communément près de 3 milliards de couleurs !!

Le type de capteur

Dans la photographie numérique, il existe deux types de capteurs dans les boitiers :

Le CCD et le CMOS

On observe la cohabitation des deux familles dans le monde des scanners, en fonction de leur gamme de prix, de leur usage et de la clientèle visée. Alors que le CMOS semble avoir investi 90% des boitiers numériques, le CCD semble résister dans la sphère des numérisations de vieilles sources physiques par sa qualité supérieure.

Les capteurs CCD produisent généralement une meilleure image pour le monde professionnel grâce à un rapport signal/bruit plus faible et une lampe froide de type néon, s’exprimant par une sur-épaisseur du matériel. Dans les scanners grand public, on retrouve plutôt davantage le capteur CIS (CMOS) car il permet de concevoir des machines moins énergivores, moins encombrantes, auto-alimentées et moins coûteuses mais dont la rampe de LED requiet une distance très étroite entre capteurs et document.

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La technologie ICE

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ICE est une technologie très efficace inventée par Kodak pour faire disparaître les poussières, les rayures et les traces de doigts sur les négatifs ou diapositives. Le principe est efficient uniquement sur certains scanners à dos lumineux et presque sur la totalité des scanners à films car il fait intervenir l’usage de deux objectifs :

  • Le premier objectif enregistre en lumière visible
  • Le second objectif enregistre en lumière infrarouge

L’ICE appartient à cette gamme de raffinements technologiques qui font la différence entre deux scanners de type identique, en faisant gagner beaucoup de temps à l’utilisateur. Le principe est infiniment simple et fiable.

L’ICE consiste à utiliser le premier objectif pour enregistrer l’image avec ses défauts dans la lumière visible. Le second objectif exploite les propriétés de l’infrarouge à traverser la diapositive mais à être stoppée par les éléments disgracieux. Les poussières et rayures sont ainsi repérées. Une solution logicielle permet de soustraire automatiquement ces corps obstruant l’infrarouge sur l’image en lumière visible et à combler les vides par interpolation de pixels.

La technologie ICE possède toutefois ses propres limitations d’usage : Le film Noir & Blanc et certains films Kodachrome. Le film monochrome utilise des grains d’argent métalliques bloquant le signal infrarouge, tandis que les colorants de la plupart des films couleur sont transparents à ce signal. Toutefois, quelques très heureuses exceptions existent tels que l’Ilford XP2 ou le Kodak T-Max sur lesquels la correction ICE fonctionne grâce à l’absence sporadique de grains d’argent métalliques dans ces émulsions monochromes.

Bien entendu, de part le principe même d’application de la technologie ICE, celle-ci n’est pas utilisable sur des documents opaques.

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Mon scanner à dos lumineux ne possédait malheureusement pas cette fonction. Pour contourner cette lacune, j’étais obligé d’effectuer le travail de nettoyage manuellement sous Adobe Photoshop avec la fonction Tampon. Cette fonction très connue du très célèbre logiciel de retouches photographiques permet l’effacement des poussières, des rayures et autres éléments indésirables contenus dans une image d’une façon très propre par interpolation manuelle de pixels pour rendre les corrections invisibles. Ce genre de travail de patience, totalement à la charge du photographe est particulièrement chronophage et éprouvant.

La technologie ICE apporte sur ce point un plus très très appréciable lorsqu’il s’agit de scanner un nombre très important d’épreuves.

Les logiciels d’optimisation

Certains scanners dénués de la technologie ICE sont livrés avec des logiciels de gestion d’images permettant de supprimer poussières et rayures après le scan sans image infrarouge de référence. Ces logiciels font appel à une intelligence purement logicielle consistant à repérer les défauts directement sur le fichier, par leurs formes et leurs caractéristiques. Ces traitements s’avèrent assez efficaces mais augmentent le temps de travail. L’optimisation des images scannées peut prendre également l’apparence de plug-in pour Photoshop ou Gimp permettant l’amélioration considérable de la correction des images. Ces logiciels d’optimisation présentent en plus l’énorme avantage de fonctionner sur toutes les sources tels que les films monochromes et les Kodachromes.

L’exemple le plus remarquable est depuis longtemps détenu par le logiciel allemand Silverfast.

Derniers ajustements…

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Selon la firme du film scanné, il peut exister une dominance colorée. Des logiciels comme Photoshop, Gimp permettent les derniers ajustements nécessaires visant à l’élimination de ces dominances désagréables au travers des fonctions intuitives comme “Variantes” ou bien par intervention manuelle directe sur la Balance des couleurs. A vous de jouer maintenant…

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