Agriculture et bovinsIntroduction

Tous les ans a lieu le salon international de l’agriculture, Porte de Versailles, à Paris. Occasion de rencontrer des agriculteurs provenant des différentes régions de France et de goûter à un certain nombre de produits du terroir. Depuis des décennies, ce salon est également le lieu où focalisent selon les époques, le président de la République en place, les candidats à l’élection présidentielle ou plus simplement, les têtes de liste des différents partis politiques. Soyons objectifs sur la question de l’agriculture : Ce salon est une chambre de l’illusion. Beaucoup de commercial pour de grandes enseignes mais la réalité sonne malheureusement plutôt différemment du côté de l’humain. La réalité affligeante ? L’agriculture se meurt en France. Pour s’en convaincre, il existe un baromètre infaillible : Le nombre d’éleveurs de bétail en forte baisse et la surface des terrains disponibles pour les céréaliers en chute vertigineuse constante.

25 mètres-carrés par seconde soient 2 160 000 mètres-carrés (216 hectares) se volatilisant par jour en France, ce qui équivaut à la surface de 196 terrains de football ! Voici la dure réalité des chiffres dont nous disposons. A ce rythme infernal, la célèbre phrase prononcée au XVIIème siècle par le Duc de Sully risquerait bien de n’être très bientôt qu’un bien lointain souvenir comme les fossiles. Chaque jour, labourage et pâturage que sont les deux mamelles de la France se dissolvent.

Qu’en penseront nos enfants ?

Vous comptez réellement regarder le monde agricole en face les yeux dans les yeux ? Le documentaire qui fut projeté, le 28 février 2011, sur France 2 tard le soir après 22h00, comme d’habitude, pour tenter de limiter le nombre de consciences pouvant être éveillées, permet de prendre totalement connaissance de l’ampleur de la situation. Intitulé Les fils de la terre, nous abandonnons tout à fait le brouillard parisien d’un célèbre salon édulcoré pour ré-attérir dans le concret douloureux d’une profession. Le documentaire poignant sur le mal-être paysan possède une histoire bien particulière puisque le réalisateur, Edouard Bergeon est lui-même fils et petit-fils d’agriculteur. Ecrasé par les dettes, son père se donna la mort. Devenu journaliste, ce documentaire fut l’occasion de donner la parole à des gens ne parlant pas beaucoup mais qui avaient coeur de montrer ce qu’ils vivent au quotidien. Ce documentaire, un premier pas d’Edouard Bergeon qui conduira ensuite à un film sorti le 25 septembre 2019 avec Guillaume CANET comme acteur principal, jouant le rôle de son père.

Le documentaire de 2011 est co-écrit avec Luc Golfin, par ailleurs monteur du film : “Le gouvernement évoque 400 suicides chez les agriculteurs en 2009, et l’Association des producteurs de lait indépendants en a décompté 805. Si on fait une moyenne, ce sont deux agriculteurs qui se suicident chaque jour ! Mais ça, ça ne fait pas la “une” des journaux… Alors qu’il s’agit, de loin, de la catégorie socioprofessionnelle la plus en crise. Je veux montrer autre chose que le discours parisien sur l’agriculture, son Salon, ses beaux petits fromages de chèvre vendus très cher chez les crémiers.”

Peut-être me trouverez-vous très pessimiste mais il convient de cesser de regarder le monde avec les lunettes roses de l’illusion. Je préfère de beaucoup la réalité du terrain et ne pas me laisser anesthésier la conscience par les beaux clichés d’agriculteurs heureux sur papier glacé.

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Mon activité d’artiste-photographe en rapport avec l’agriculture constitue un engagement citoyen très fort et déterminé. Races en voie de disparition, machines agricoles en fonctionnement, rencontre avec des agriculteurs au hasard de mes explorations sont autant d’occasions de sentir battre le coeur de ce grand corps malade dont je m’efforce à être le témoin silencieux et son plus fidèle complice. Mon intérêt particulièrement pour les bovins naît tout naturellement en 2009 lorsque je commence mes travaux de photographie dans le Pays de Bray. J’ai pour habitude de côtoyer les vaches et les taureaux dans leur milieu naturel et non dans un salon afin de pouvoir les étudier des heures durant, dans le calme.

Depuis, ces animaux constituent le principal moteur de ma motivation de petit reporter de l’agriculture. De part sa géographie et son histoire, la France compte une grande variété de races bovines. Plus tardivement, depuis mi-2011, je me suis engagé dans un véritable travail de recherches et de compréhension à destination de ces animaux. Lorsque je photographie une église, un château, un bovin, un paysage, il m’apparaît toujours important tôt ou tard d’en saisir toute la richesse.

A la fois par nécessité personnelle de dominer le sujet en vue de nourrir ma curiosité propre mais aussi par soucis de rendre accessible mon propre témoignage à mes visiteurs, ce dossier s’enrichissera au fur et à mesure de mon temps disponible, de mes priorités et de mes découvertes.