Jean-Claude PECKER (1923-2020)

Né à Reims (51100), le 10 mai 1923

Décédé le 20 février 2020 à 97 ans

Je n’ai jamais eu l’honneur de le rencontrer. Je ne le connaissais pas mais en qualité de membre de la Société Astronomique de France, il fait parti de ces monuments de l’astrophysique auquel on doit énormément et dont nous ne pouvons faire l’impasse sur un hommage sur le parcours. Quand il disparaît, à la SAF comme dans toute la communauté astronomique professionnelle, c’est un coup de massue. Je me contenterai de reproduire le vibrant hommage de Claude CATALA, Président de l’Observatoire de Paris, qui résume assez bien la grandeur du personnage, tant scientifiquement que humainement :

« Chères et chers collèges,

C’est avec une très grande émotion que je viens vous faire part du décès de Jean-Claude Pecker, dans sa 97ème année. Jean-Claude Pecker a joué un rôle de premier plan dans l’Astrophysique Française, pendant plus d’un demi-siècle, depuis les années 1950. Il était un grand humaniste, connu dans le monde entier, ayant joué un rôle moteur dans le développement de l’Union Astronomique Internationale (UAI).

Jean-Claude passe toute son enfance à Bordeaux, où il étudie au Lycée Montaigne. Il obtient 2 baccalauréats à la fois en Math-Elem et en Philo en 1939. Il est aussi Lauréat du concours général de dessin, une passion qu’il va garder toute sa vie, en témoignent les nombreuses aquarelles et peintures, dont plusieurs sont publiées. Il continue au Lycée Montaigne en classe préparatoire et réussit le concours de l’Ecole Centrale Paris en 1941. Mais la guerre va ralentir ses projets. Ses deux parents sont emprisonnés à Paris, et meurent en déportation à Auschwitz. Lui-même se cache et écrit même un article sous le nom de Jean-Claude Pradel sur le polissage électrolytique dans un magazine scientifique. Il continue les classes préparatoires au Lycée Saint Louis à Paris, et il est reçu à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) en 1942. Il continue ensuite des études à Grenoble où il doit se cacher. A la fin de la guerre, il travaille à l’ENS-Paris, et Alfred Kastler lui conseille pour sa thèse l’astrophysique théorique, qui n’est pas très développée en France.

Jean-Claude choisit la physique des atmosphères stellaires. Il travaille alors avec Evry Schatzman, qui restera toujours son grand ami, et avec qui il publie, en 1947, un article sur la détermination des abondances d’hydrogène et d’hélium dans les étoiles, en fonction de leur luminosité, masse rayon, pour cinquante étoiles. Après sa thèse sur « Contribution à la théorie du type spectral » obtenue en 1950, il a un poste au CNRS (à l’Institut d’Astrophysique de Paris nouvellement fondé) jusqu’en 1952, puis il devient Maître de Conférences à Clermont-Ferrand jusqu’en 1955. Après une année d’Associate Fellow au High Altitude Observatory à Boulder dans le Colorado, il est Astronome à l’Observatoire de Paris de 1956 à 1964, data à laquelle il est élu Professeur au Collège de France, où il enseignera jusqu’en 1988. Il est directeur de l’observatoire de Nice (1962-1969), et directeur de l’Institut d’astrophysique de Paris (1972-1979). A la fin des années 1950, avec Jacques Blamont, et peu avant la création du CNES, il rédige le Programme de Versailles, première feuille de route de l’astrophysique observationnelle pour les décennies qui vont suivre et bénéficier des apports de l’espace.

Jean-Claude Pecker a exercé un grand nombre de responsabilités dans des Comités et Sociétés savantes, l’une d’entre elles fut très remarquée, puisqu’il est appelé par nombre de nos collègues à l’étranger « Mr. IAU » De 1961 à 1964, il est le premier Assistant General Secretary, puis est le General Secretary de l’IAU de 1964 à 1967. Pendant 3 ans encore, il est Conseiller du bureau de l’IAU. Il était difficile de voyager à cette époque, et l’IAU lui permet de rencontrer des astrophysiciens étrangers, Kees de Jager, Marcel Minnaert, Bengt Strömgren, Fred Hoyle, Jan Oort qui l’ont beaucoup inspiré. Evry Schatzman dans les années 1960 se préoccupait beaucoup de l’enseignement de l’astrophysique en France, et Jean-Claude Pecker l’a accompagné dans cette action, en proposant l’École pour les jeunes Astronomes au bureau exécutif de l’IAU. C’est l’origine de ISYA (International School for Young Astronomers). Jean-Claude a convaincu l’Unesco d’aider au financement. Notons que c’est à cette époque que Jean-Claude a dessiné le logo de l’IAU. Aussi à partir de cette date, des livres « Proceedings » des réunions de l’IAU ont été édités.

A la fin de cette période très dense, Jean-Claude revient à ses recherches, que ce soit sur les atmosphères stellaires, les Céphéides, ou la cosmologie. Il a été élu membre de l’Académie des Sciences en 1977. Il a été, entre autres, président du comité national (interministériel) de la Recherche scientifique et technique (1985-1987), président du comité Sciences de la commission nationale pour l’UNESCO (1974-1978), ou encore président de la Société astronomique de France (1973-1976). Il a reçu un grand nombre de distinctions, dont la médaille d’argent du CNRS, le prix Jean Perrin de la SFP ou le prix Lodén de la société Astronomique d’Uppsala, en Suède. Il était commandeur dans l’ordre de la Légion d’honneur, et grand officier dans l’ordre national du Mérite.

Soucieux de partager avec tous, enfants comme adultes, son amour de l’astronomie, il a publié de multiples livres, veillé à la place de l’astronomie au Palais de la Découverte comme à la Cité des sciences et de l’industrie de La Villette, milité pour l’installation de planétariums, donné d’innombrables conférences.

Jean-Claude Pecker était un homme vraiment extraordinaire, soucieux de profiter de la vie jusqu’au bout et de toujours partager l’amitié. Il y a quelques mois encore, cet écrivain inlassable, cet artiste passionné de sculpture, de peinture et de dessin était en contact étroit avec son éditeur, pour publier des recueils d’aquarelles. Il s’intéressait beaucoup à l’histoire des sciences, et en particulier au parcours d’anciens académiciens, comme l’abbé La Caille, ou Jérôme de Lalande, dont il a publié la Correspondance et sur lesquels il a écrit de passionnantes histoires de leurs aventures. En relisant ses écrits, nous garderons toujours en nous le souvenir de sa voix chaleureuse qui savait si bien, avec humour, évoquer les développements de l’astronomie. »