Eglise réformée américaine de Château-Thierry (02)

Ce dossier est le fruit d’un reportage réalisé en la commune de Château-Thierry, le 28 août 2013. Cette commune de Picardie, dans le département de l’Aisne, de 14413 habitants (évaluation de 2011) s’étendant sur 16,55 kilomètres-carrés, située à 85 km de Paris et à 40 km de Soissons, détient ses lettres de noblesse pour être notamment le lieu de naissance de Jean De La Fontaine mais également avoir été située exactement sur le front de 1918, au moment précis où l’affrontement entre américains et allemands sur la Marne atteignait son paroxysme. Au cours de mon reportage, je me suis égaré un moment dans l’une des églises de la ville et pas n’importe laquelle car celle-ci a été érigée, au même titre que le grand monument américain de la côte 204, en souvenir des victimes de ces batailles.

Pour le même monument, on parle selon les sources, soit de l’église américaine réformée ou bien de temple américain réformé. En étudiant un peu plus les sources, il semblerait que le terme église ait été retenu pour nommer le monument dans son ensemble, tandis que le terme temple s’adresse plutôt pour nommer la partie la plus luxueuse et la plus intéressante de ce monument, constituée principalement des vitraux des principaux pères réformateurs du protestantisme.

Configuration du centre-ville et de l’Eglise américaine réformée, perçue depuis les remparts de Château-Thierry

L’église américaine réformée est située en plein centre-ville historique à proximité immédiate de l’Hôtel-de-Ville. A partir du 15 juillet 1918, la ville et ses environs sont le théâtre de la deuxième bataille de la Marne coûtant la vie à de nombreux soldats américains. Cette bataille est très symbolique de l’amitié Franco-américaine et de tous les différents liens unissant les deux pays depuis le 18ème siècle. La ville apparaît presque immédiatement comme un lieu commémoratif d’importance pour les autorités civiles, militaires et ecclésiastiques américaines. L’église américaine réformée possède la double fonction, à la fois d’église protestante et de petit mémorial américain à elle toute seule. Une communauté protestante était déjà présente à Château-Thierry au début du 16ème siècle mais au fur et à mesure des mouvements politiques des siècles qui suivirent, cette communauté castelthéodoricienne changera plusieurs fois de localisation dont Monneaux restera le site privilégié de la révocation de l’édit de Nantes (18 octobre 1685) jusqu’à la fin du XIXème siècle.

Il faut attendre 1919 pour que le projet de temple à Château-Thierry prenne forme pour une construction achevée en 1924.

Caractéristiques extérieures et intérieures générales du temple

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  • Architecte(s) et artistes : Paul-Philippe Cret ; Achille-Henri Chauquet ; Jean Naville ; Henri Valette ; G.Néret ; E.Royer ; Eugène et David Burnand
  • Initiateurs : Charles Merle d’Aubigné et le Dr.Good

De par son architecture, son décor intérieur, l’intérêt des architectes et artistes, la fine provenance du mobilier et de certaines pièces spécifiques ainsi que les circonstances de sa commande, ce temple de Château-Thierry mérite que l’on s’intéresse à son histoire.

Les circonstances de son édification sont retrouvées au sein d’un dossier conservé aux archives départementales de l’Aisne. Une lettre du pasteur de l’église de Neuilly, Charles Merle d’Aubigné, représentant l’Union nationale des églises réformées évangéliques de France, datée du 2 aout 1919, mentionne une somme de 25 000 dollars soient 125 000 francs, collectée par une église réformée des Etats-Unis représentée par un certain Dr Good. Celui-ci souhaite l’attribution de l’argent pour l’édification d’un temple à Château-Thierry malgré une certaine opposition des méthodistes épiscopaux.

En janvier 1920, deux terrains sont en concurrence mais le 31 mars 1920, le Dr Good choisit le terrain de l’Hôtel de Ville. Le 9 juillet 1920, de retour des Etats-Unis, Charles Merle d’Aubigné se déclare heureux que le terrain de l’Hôtel de Ville soit définitivement assuré aux mains des Etats-Unis.

La première pierre du temple est posée le 13 août 1922 sous la présidence de Charles E.Schaffer, constructeur du temple et représentant de l’Eglise réformée des Etats-Unis. La dédicace a lieu le 13 juillet 1924, éditée sous le double parrainage de Calvin Coodlidge, président des Etats-Unis de 1923 à 1929 et de Gaston Doumergue, président de la République Française de 1924 à 1931. Entre les premières négociations et la fin des travaux, il se sera écoulé cinq ans.

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Le temple de style Néo-Gothique, illustre la forte convergence des goûts religieux entre la France et les Etats-Unis. Le mythe d’un réel âge d’or médiéval de la chrétienté est partagé par les protestants comme les catholiques et le style néo-gothique est considéré par conséquent comme le style chrétien par excellence comme le soulignait le méthodiste anglais Frédérick J.Jobson. Le style médiéval est un « gage ou indice obligé de spiritualité ». L’édifice, plus précisément l’église dans son ensemble, est constitué de plusieurs caractéristiques particulières au corps de bâtiment :

  • Une maison de concierge
  • Une sacristie
  • Une tour-clocher avec porche
  • Fléche aux abats-sons et toit en pavillon
  • Une entrée avec péristyle
  • Une nef sans transept avec toit à longs pans
  • Une vaste pièce servant aux réunions et parfois au culte en hiver, à l’arrière de la sacristie

Les murs extérieurs sont en calcaire moyen, les murs intérieurs sont recouverts d’un enduit de plâtre à faux joints. Une analyse plus fine de la disposition intérieure met toutefois en évidence certains détails en contradiction par rapport à la tradition européenne :

  • Importance d’un autel (et non d’une table de communion) placé au centre de l’espace culturel du choeur
  • La chaire rejetée sur le côté du choeur
  • Présence de fonts baptismaux dans le choeur afin que le baptême soit bien visible de tous alors que dans les églises françaises, les fonts sont souvent placés beaucoup plus discrétement au sein de l’église, au fond d’un transept ou d’une chapelle spécialement dédiée à l’acte du baptême
  • Une barrière de séparation entre la nef et le sanctuaire
  • Présence de certains meubles (bancs de diacre, bancs de mariage, présence d’un ange-lutrin) trahissent les consonnances étrangères

Lors de ma visite, d’autres détails me seront expliqués :

  • Présence sur l’autel d’une Bible, don d’Eleanor en 1923, l’épouse du 32ème président des Etats-Unis Franklin Delano Roosevelt de 1933 à 1945. L’aviateur, fils du président des Etats-Unis, avait été tué à Chamery, non loin de Château-Thierry.
  • Représentation de l’arbre embrasé du Sinaï avec Dieu écrit en hébreu…Avec toutefois une faute d’orthographe volontaire car on ne marche pas sur Dieu !
  • Des vitraux exceptionnels représentant les réformateurs du protestantisme

La plus grosse difficulté est d’identifier la part prise par les deux grands architectes dans cette œuvre architecturale : Paul-Philippe Cret et Achille-Henri Chauquet, deux hommes d’inégale renommée. Pour l’un comme pour l’autre, la paternité de l’édifice n’est pas acquise et cela est d’autant plus difficile à remplir ce vide historique qu’il n’existe aucun document laissé par l’un ou par l’autre pour réaliser quelconque distinction d’influence. Le discours tenu lors de l’inauguration du temple en 1924 par le Dr. W Stuart-Cramer plaçait la paternité du plan général sur Paul-Philippe Cret et les détails sur Achille-Henri Chauquet ainsi que Naville. Dans un article paru le 24 juillet 1924 dans le Christianisme au XXème siècle, on indique plutôt Achille-Henri Chauquet comme architecte et ordonneur. Difficile dans ces conditions de savoir en finalité, à qui des deux protagonistes revient la plus grande part de la réalisation. Seuls des éléments plus personnels relatifs aux deux architectes semblent pencher en la faveur de Achille-Henri Chauquet car architecte de la Ville de Paris, il est fort à parier qu’il fut choisi pour des raisons religieuses car en construisant l’église luthérienne Saint-Marcel du 5ème arrondissement de Paris en 1908 (déjà avec Jean Naville) ou bien encore l’église suédoise du 17ème par simple exécution des plans de l’architecte suédois G.A.Falk, Chauquet s’était fait une sérieuse réputation de spécialiste des temples protestants. De plus, réalisateur du temple de Saint-Quentin entre 1921 et 1923 dont les données sont conservées aux archives départementales de l’Aisne, on y retrouve des similitudes fort troublantes concernant la mise en scène des mêmes personnages, même si le style est très différent.

Toutefois, l’histoire de cette paternité n’en reste pas si simple. Les nombreux faisceaux concordant vers Achille-Henri Chauquet n’occultent pas pour autant la popularité bien plus importante de Paul-Philippe Cret, considéré comme l’une des figures de proue dans la création d’un style officiel aux Etats-Unis dans les premières années du 20ème siècle. Il construira beaucoup outre-Atlantique puisque parti aux Etats-Unis dès 1903. Paul-Philippe Cret est tellement influant au niveau de la construction des monuments architecturaux américains de la Grande Guerre qu’il est nationalisé américain en 1928 et est le réalisateur du monument 204 de Château-Thierry, presque au sommet de la colline. De plus, ses liens tous particuliers avec Philadelphie dont le Dr.Good est originaire joue aussi dans sa faveur d’avoir pu être choisi comme le véritable père de ce temple. Compte-tenu qu’il est fait état dans des courriers que Achille-Henri Chauquet, ait transmis des plans du temple aux Etats-Unis et qu’aucun plan n’ait été retrouvé du côté de Paul-Philippe Cret, il se pourrait que les plans d’Achille-Henri Chauquet, aient tout simplement bénéficié d’un regard bienveillant, de possibles modifications suivies de la validation de Paul-Philippe Cret, architecte de confiance des Etats-Unis.

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Le détail extérieur le plus remarquable de la façade est sans aucun doute le tympan surplombant l’entrée principale (photo ci-dessus à droite). Celui-ci représente une victoire agenouillée, coiffée à la garçonne, vêtue d’une toge à plissée grec, tenant deux palmes du martyre étendues sur deux profils en médaillon de soldats, l’un américain, l’autre français. Il annonce cette volonté dans la continuité de souligner l’égalité des deux nations au combat et dans l’éternité. Ce tympan est l’œuvre du sculpteur suisse Henri Valette (1877-1962), fils de pasteur, en 1924, sous la direction de Chauquet. A travers ce tympan, Français et Américains ont souhaité l’impossibilité de bien différencier ce qui appartient aux uns et aux autres, comme symbole de cette collaboration fusionnelle.

Verrière-tableau emblématique du temple

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En dehors de tous les détails de construction déjà cités, intérieurs comme extérieurs, la majeure partie du décor réside dans les vitraux. Fortement endommagés lors de la Deuxième Guerre mondiale, ils ont bénéficié d’une restauration remarquable dès les premières années de la paix retrouvée.

Le vitrail emblématique du temple est sans contexte, la grande verrière-tableau. Elle inscrit les faits de la grande Guerre de 14-18 dans une perspective historique selon laquelle le général Pershing à son arrivée en France aurait prononcé la phrase : « La Fayette, nous voilà ! », en rappel de la dette contractée envers la France au moment de la guerre de libération des Etats-Unis. En réalité, la phrase appartient au colonel Stanton qui la prononça sur la tombe du général La Fayette au cimetière de Picpus le 4 juillet 1917, au moment où les Etats-Unis s’engagent dans le premier conflit mondial aux côtés de la France pour combattre l’Allemagne.

Dans cette verrière-tableau, on y aperçoit le général La Fayette entouré des généraux français de 14-18 (Ferdinand Foch, Joseph Joffre, Philippe Pétain et Pierre-Claude Nivelle de la Chaussée) accueillir sur le quai du débarquement, le général Pershing et toute son armée prête à combattre.

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Dans son stylisme général relatif à l’époque, on y notera les trois écussons inférieurs (République Française, Armes de Château-Thierry et couleurs de l’Amérique). Comme le tympan extérieur, cette verrière-tableau signe la rencontre guerrière hautement collaboratrice de la France et de l’Amérique sur Château-Thierry. Cette œuvre majeure est attribuée à la maison G.Néret – E.Royer successeur, installée rue des Martys à Paris, ayant eu l’habitude de travailler avec beaucoup d’acteurs tels que Naville, les pasteurs Back, Schaffner, Ritz et l’architecte Chauquet lui-même.

Vitraux avec le portrait des réformateurs du protestantisme

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Les autres vitraux de la nef du temple sont attribués à David Burnand, dessinés et exécutés par ce peintre d’origine suisse (1888-1975) d’après les gravures de son père Eugène qui n’aura pas eu l’occasion de voir ses œuvres finalisées car décédé trop tôt, en 1921. Artistes protestants, les Burnand furent des peintres et des graveurs connus, très appréciés pour la décoration des temples. Les portraits des réformateurs auraient été réalisés à l’instigation du Dr Good d’après des gravures illustrant l’ouvrage de Théodore de Bèze. Au nombre de neuf, ils sont organisés en trois niveaux :

  • Au centre, des scènes tirés des Paraboles d’Eugène Burnand et adaptées par David Burnand
  • Au niveau inférieur, des médaillons représentant les pères fondateurs du protestantisme
  • Au niveau supérieur, des symboles divers et inscriptions relatifs à des faits clés de la Bible

Conformément au courant du protestantisme à dominante très calviniste des Burnand mais aussi certainement pour des raisons historiques évidentes par rapport à leur nationalité, les pères réformateurs allemands Martin Luther et Mélanchton ne seront pas intégrés dans ces vitraux. Neuf vitraux, neuf pères réformateurs du protestantisme sont retenus pour décorer le temple :

  • Jean Calvin
  • Jean Hus
  • Jacques Lefèvre d’Etaples
  • Guillaume Farel
  • Valdès dit Pierre Valdo
  • Ulrich Zwingli
  • Théodore de Bèze
  • John Knox
  • Gaspard II de Coligny

Un regard biographique plus poussé sur chacun d’entre-deux permet de saisir toute la profondeur du message dégagé par le choix de ces neuf personnalités pour l’ornement intérieur de ce temple : Deux brillants précurseurs à la réforme, des martyrs de la Réforme et de célèbres génies réformateurs très érudits, calvinistes. En s’appuyant sur ces grandes figures de la réforme, l’objectif est de mettre en évidence les qualités et vertus nécessaires pour surmonter les épreuves de la guerre et de la vie. Ils annoncent la possibilité de Résurrection, vie plus forte que la mort, un futur possible.

Biographie des pères réformateurs du protestantisme

Jean Calvin, réformateur et pasteur Français, né à Noyon (1509-1564) – Créateur du courant de pensée théologique qui prendra très justement le nom, bien plus tard, de courant Calviniste. Selon ce mouvement, l’enrichissement personnel est perçu comme le signe qu’on est choisi par Dieu, ce qui expliquera le succès de ce mouvement de pensée auprès de la Bourgeoisie. Face aux persécutions des protestants en France, il s’enfuit en Suisse, à Genève jusqu’à la fin de ses jours, en 1564. Le calvinisme s’est répandu surtout en Europe du Nord. Les églises réformées et presbytériennes feront le reste au cours des siècles qui suivront pour propager la pensée de Jean Calvin dans le monde entier.

Jan Hus, théologien, universitaire et réformateur religieux tchèque. Excommunié en 1411, condamné par l’église pour hérésie et mort sur le bûcher en 1415. Sa mort enclenche un processus menant à la création de l’église hussite puis aux croisades contre les hussites qui marquent les troubles précurseurs de la naissance du protestantisme. Les tchèques ont fait de lui l’allégorie de leur nation face à l’oppression catholique, impériale et allemande.

Jacques Lefèvre d’Etaples, théologien et humaniste Français (Entre 1450 et 1455-1537). Il restera catholique toute sa vie, bien qu’il fût l’avocat d’idées qui furent importantes pour la Réforme. Il préféra réformer l’église de l’intérieur, bien que certains de ses livres furent condamnés pour hérésie. Créateur du « cénacle de Meaux », il est évêque de Meaux à partir de 1520. Il parvient à réunir autour de lui en vulgarisant les écritures, des personnalités comme Guillaume Briçonnet, Gérard Roussel, Louis Berquin et surtout un autre réformateur : Guillaume Farel. Peu respectueux de la vieille scolastique, avec notamment sa traduction sur le Nouveau Testament de 1523 le conduisant à devenir l’auteur de la première Bible en français (ayant traduit l’Ancien Testament en 1528), il essuie de très nombreuses critiques et poursuites. Sa traduction, particulièrement excellente, s’appuyait pourtant sur le texte de la Vulgate latine, en y ajoutant une soixantaine de corrections d’après les originaux grecs par pur soucis de perfectionnisme dans son travail. Il doit s’enfuir à Strasbourg après la dissolution de son diocèse de Meaux en 1525.

Peu après, le roi François Ier écrit en sa faveur, le nomme précepteur du prince Charles, son troisième fils. Jacques Lefèvre d’Etaples obtient ainsi toute la confiance du roi et sa protection. A partir de 1531, la sœur de François Ier, Marguerite d’Angoulême, future Reine de Navarre, poursuit sa protection en l’emmenant à Nérac où il meurt en 1536.

Guillaume Farel, théologien, réformateur et pasteur Français (1489-1565). Il fut le réformateur qui convainquit Jean Calvin de rester à Genève lorsqu’il s’établit dans cette ville en 1532. Il est le réformateur ayant joué un rôle important dans l’expansion de la réforme protestante en Suisse romande. Il fréquente Jacques Lefèvre d’Etaples et fera partie du « cénacle de Meaux », réuni par l’évêque Guillaume Briçonnet entre 1519 et sa dissolution en 1525. Après cette dissolution par condamnation par la Sorbonne, il se rend à Zurich chez un autre réformateur : Ulrich Zwingli. Il repère la foi dans les nouvelles doctrines d’un jeune homme, Pierre Viret et le prend sous sa protection. Pour aparté historique, Pierre Viret deviendra, à l’exemple de Guillaume Farel, l’un des grands réformateurs de cette époque dans le cercle calviniste. Guillaume Farel se retire à Neufchâtel lorsque celui-ci est banni de Genève en 1538, suite à des disputes perpétuelles sur la cène, le conduisant à se brouiller irréversiblement avec Jean Calvin pour son rigorisme excessif.

Pierre Valdo (également connu sous les noms de Vaudès ou Valdès), est un marchand de Lyon et hérésiarque Français né vers 1140 et mort vers 1206. A la suite d’une crise religieuse, il donnera tous ses biens pour suivre l’idéal de pauvreté apostolique et fonde un mouvement connu sous le nom de fraternité des Pauvres de Lyon. Il fit fortune dans le commerce mais frappé de la mort subite de l’un de ses amis dans une réunion de plaisir, il décide vers 1170 de renoncer au monde, abandonnant femme et enfants. A la vente de tous ses biens, il découpe sa fortune en quatre quarts (une pour sa femme, une pour ses filles, une pour les personnes qu’il pensait avoir lésé et une pour les pauvres) et décide de suivre la « parabole du jeune homme riche » (16-30 Matthieu 19), à l’exemple d’Alexis de Rome.

Tout d’abord protégé par l’archevêque de Lyon, sensible aux thèses réformatrices du mouvement de Vaudès, il finit par être chassé de la ville par son successeur, élu par un chapitre cathédral hostile. Il fuit avec ses disciples dans le Luberon où l’église vaudoise prend naissance. Il finit excommunié en 1184 et sa doctrine est interdite en 1215. Il paie de sa poche la traduction de plusieurs livres de la Bible en francoprovençal et fait naître ainsi un engouement populaire pour la lecture et la propagation de la Bible en langue populaire et non plus en latin. En cela, Vaudès dit Pierre Valdo est un précurseur de la Réforme, au même titre que le théologien Tchèque Jan Hus le sera plus tard à partir de 1411. Le prénom Pierre qu’on lui attribue remonte à 1368, soit plus de 150 ans après sa mort ; Par soucis de précision, il est préférable d’appeler ce personnage Vaudès, sans son prénom.

A l’image de son contemporain, François d’Assise, tous deux ont lancé des prédicateurs sur les routes et ont renoncé à la fortune pour Jésus-Christ. Pierre Valdo fait figure d’intrus parmi ces réformateurs protestants puisque Laïc, ignorant le Latin et même jusqu’à la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie, mais c’était sans compter sur l’érudition des artistes protestants Burnand sur le sujet. Le mouvement Vaudois piémontois de Vaudès, réfugié dans les villages abrités des pentes alpines orientales survivra à l’interdiction et maintiendra les principes des Pauvres de Lyon. Mis en contact au début du 16ème siècle avec la Réforme Génévoise de Jean Calvin et Guillaume Farel, les Vaudois s’y rallient en 1532, deviennent protestants et participent au financement de la première traduction de la Bible en Français à partir de l’Hébreu et du Grec, étape importante ficelée par l’appui de Jacques Lefèvre d’Etaples. En Italie, le mouvement Vaudois originel a survécu sous le nom de La Chiesa Valdese, se revendiquant d’une conception non hiérarchique et démocratique de l’Eglise grâce à leur liberté religieuse reconnu par la monarchie piémontaise depuis le 17 février 1848 après de très nombreuses persécutions souvent parallèles à leurs homologues de France.

Ulrich Zwingli, théologien, réformateur et pasteur Suisse (1484-1531). Très présent dans la société, il est l’un des principaux artisans des différentes tentatives de convertir, y compris militairement, la Suisse à la Réforme. Il est depuis le canton de Zurich, premier canton à adopter la Réforme, à l’origine des Eglises réformées de Suisse alémanique, tandis que Jean Calvin et Guillaume Farel réforment la Suisse romande. Il demeure l’une des sources principales d’inspiration des Eglises réformées, notamment le protestantisme libéral. Il ira plus loin que Martin Luther en considérant que tout ce qui n’est pas positivement enseigné dans l’Ecriture sainte doit être aboli. Pour lui, la Cène n’était qu’un mémorial et le Christ n’y était pas présent. Il est très certainement avec son protestantisme radical à l’origine du caractère très sobre des églises réformées car suite à l’impact de sa doctrine, les images traitées d’idoles furent enlevées des églises et rien ne restera de l’ancienne liturgie.

Sa mort, le 10 octobre 1531, est digne des films les plus héroïques. Un pressentiment funeste le tourmentait lorsqu’il reçoit le 6 octobre, l’ordre du sénat d’accompagner en qualité d’aumônier les cinq cantons protestants qui s’armèrent pour affronter les catholiques : Il obéit. Il sait d’avance que sa cause est bonne mais qu’elle est mal défendue. Il sait déjà qu’il en coûtera la vie et un nombre important d’hommes de bien. Dans les premiers moments de la mêlée, il reçoit un coup mortel et tomba sans connaissance. Revenu à lui, il croise ses mains sur sa poitrine, fixe le ciel et s’écrie : « Qu’importe que je succombe : ils peuvent tuer le corps, mais ils ne peuvent rien sur l’âme. ». Quelques soldats catholiques lui demandent s’il souhaite se confesser : il fait un signe négatif. Face à son refus, l’un des soldats lui plonge l’épée dans le cœur, en lui disant : « Meurs donc, hérédique obstiné. ». Son cadavre fut déchiré, on livra ses lambeaux aux flammes et on jeta les cendres aux vents. Zwingli avait 47 ans au moment de sa mort.

Martin Luther, l’un des réformateurs exclus des vitraux, tout d’abord pour sa nationalité mais certainement aussi par son opposition à Zwingli sur un certain nombre de points et pour sa proposition pour Ulrich Zwingli, non sans provocation, de la piquante épitaphe : « Celui qui tira l’épée, périra l’épée. »

Théodore de Bèze, théologien et pasteur protestant Français (1519-1605). Avant son engagement religieux, Théodore se rend célèbre avec un recueil de poésies latines, Juvenilia et il fut regardé partout comme un des meilleurs auteurs de poésie latine de son temps. Il tombe malade et dans sa détresse physique, il vint à la connaissance du salut de Jésus-Christ. Il tranche les liens le rattachant au monde et se rend à Genève, ville refuge pour les évangéliques, adeptes de la Réforme. Chaleureusement accueilli par Jean Calvin, il se marie tout de suite à l’église. A Lausanne, il rend visite à Pierre Viret, la jeune trouvaille de Guillaume Farel qui fut son premier protecteur.

Bèze est un grand voyageur pour défendre les protestants. En 1550, il publie à Genève un drame biblique, opposant catholicisme et protestantisme, qui reçoit un très bon accueil. A la même époque, il publie une satire dirigée contre Pierre Lizet, un homme à la réputation exécrable, qui se voulait d’acquérir la réputation de pourfendeur de l’hérésie grâce à la publication de quelques écrits polémiques. Bèze s’implique dans l’affaire Michel Servet, exécuté sur le bûcher à Genève et se charge de défendre Jean Calvin et les magistrats genevois en 1554. A partir de 1557, il s’intéresse tout particulièrement aux vaudois, persécutés dans le Piémont, mouvement lancé par Pierre Valdo, plusieurs siècles auparavant. Pour les défendre, il se rendit à Berne, Zurich, Bâle et Schaffhouse, accompagné de Guillaume Farel.

Bèze est le successeur naturel de Jean Calvin à Genève. Pendant 22 mois, Jean Calvin étant malade, il s’organise pour le remplacer en alternance. Jusqu’en 1580, Bèze remplit sa salle de conférences où il expose la plus pure orthodoxie calviniste. Parmi ses élèves, il eut Giovanni Diodati qui lui succède à Genève comme professeur de théologie. Bèze eut beaucoup de succès en poursuivant le travail de Jean Calvin et en s’efforçant de préserver la paix dans l’Eglise de Genève. Sans être un grand dogmaticien comme son maître, ni un génie créateur dans le domaine ecclésiastique, Bèze se rendit célèbre par ses qualités d’humaniste, d’exégète, d’orateur et de chef dans les affaires religieuses et politiques, le qualifiant comme le guide des calvinistes dans toute l’Europe. Bèze ne cessa de maintenir les relations les plus étroites avec la France réformée.

Bèze jouit d’une excellente santé jusqu’à l’âge de 65 ans (1584). Son épouse disparaît en 1588, sans enfants. Sur le conseil d’amis, il contracte un seconde mariage avec Catharina del Piano, une veuve génoise, afin d’obtenir de l’aide jusqu’à ses dernières années. On observe une déclinaison progressive de son état de santé et il parvient à enseigner jusqu’en janvier 1597. Dans ses vieux jours, il voit le roi Henri IV se convertir au catholicisme. En 1596, Bèze doit subir un dernier affront selon lequel les Jésuites firent courir le bruit en Allemagne, France, Angleterre et en Italie que Bèze et l’Eglise de Genève étaient revenus à la foi romaine. Bèze répond par une satire efficace qui montre que sa pensée et sa force d’expression n’avait pas faiblie.

Il meurt en 1605 à Genève et son corps rejoint celui de son maître, Jean Calvin, au monastère Saint-Pierre.

John Knox est un prêtre, réformateur protestant écossais et fondateur de l’Eglise écossaise grâce à sa liturgie, The Book of Common order qui rompt avec la tradition liturgique latine, né en 1514. Ordonné prêtre en 1536, sa vie sera mouvementée car à la fois, un collaborateur de Jean Calvin, une figure importante de la réforme écossaise entamée en 1528 et un témoin clé des premiers mouvements de réforme survenant après la mort de Jacques V, marqué par l’autorisation de la lecture de la Bible en langue vulgaire. Capturé en 1547 par les armées catholiques, il est fait prisonnier en France durant presque deux ans et envoyé aux galères. Après sa libération en 1549, il se rend en Angleterre et il y rencontre celle qui deviendra son épouse. Il devient aumônier d’Edouard VI en 1551. En 1553, à l’avènement de la catholique Marie Tudor, il gagne la France par Dieppe afin de rejoindre Jean Calvin à Genève. A son retour d’Ecosse en 1559, il y introduit la Réforme. Aidé par la mort de la régente Marie de Guise, le parlement adopte le 17 août 1560 l’abolition du catholicisme pour instaurer le protestantisme comme religion d’Etat. Par ses sermons, John Knox s’opposera durablement à la Reine Marie Ier Stuart, au mode de vie de la cour et contribuera à sa déposition en 1567. John Knox s’imposera par une efficacité oratoire rare malgré le fait d’être bègue et influencera également considérablement le gouvernement de Jacques VI d’Ecosse (Jacques Ier d’Angleterre). Prédicateur énergique voire violent, John Knox aura dépassé de très loin la doctrine passiviste de Jean Calvin, en développant le droit et devoir dans les autorités subalternes, de résister à un tyran cherchant à imposer l’idolâtrie à ses sujets.

Gaspard II de Coligny est un noble et amiral français né en 1519, comptant parmi les victimes du si triste et célèbre massacre de la Saint-Barthélémy à Paris, survenu le 24 août 1572. Il est le membre le plus connu de la maison de Coligny éteinte en 1694. Dès l’âge de trois ans, il se fait remarquer par son goût pour les jeux guerriers. Il reçoit une éducation humaniste grâce à son précepteur, Nicolas Bérault, correspondant régulier avec Erasme et Guillaume Budé. Son oncle de Montmorency, Anne, surveillait cette éducation et se satisfait des progrès de Gaspard en latin qui auguraient d’un avenir ecclésiastique mais le jeune homme se rebella par pur désir de faire carrière dans l’armée.

A partir de 1530, il se retrouve à la cour de François Ier avec sa famille quand Eléonore d’Autriche nomme sa mère, Louise de Montmorency, au statut de dame d’honneur. Le clan des Montmorency jouit d’une influence grandissante. Malgré la disgrâce de ce clan en 1541, celle-ci n’affecte nullement sa présence à la cour car il s’est fait beaucoup d’amis. L’oncle de Montmorency étant écarté de la cour, il ne reste que les armes au jeune Gaspard II de Coligny pour se faire un nom. Son audace lui permet de se distinguer et ses premières armes parviennent à la signature de la paix avec Henri VIII d’Angleterre en 1546. François Ier décède le 31 mars 1547 et celui-ci précipite le retour de Gaspard en France. Le règne du successeur de François Ier, Henri II, est marqué presque immédiatement par le rappel d’Anne de Montmorency aux affaires, Gaspard II de Coligny est nommé gentilhomme de la chambre du roi, il est décoré de l’ordre de Saint-Michel et les persécutions reprennent contre les réformés. Pendant le règne d’Henri II, Gaspard doit faire face aux guerres contre l’Espagne et participe à la création secrète d’une colonie française en Amérique du Sud. Après la mort du roi Henri II en 1559, il conserve ses fonctions d’amiral mais démissionne en janvier 1560 de sa fonction de gouverneur de Picardie, faute de temps.

A la cour, il influence une politique de conciliation à l’égard des réformés, ses opinions religieuses changent suite à la lecture des livres des novateurs et il se convertit au protestantisme. Le très bref règne d’une année de François II précipite la chute du clan des Guise, ce qui le satisfait. L’influence des Coligny de nouveau en très forte hausse auprès de la cour, Gaspard tente l’adhésion de la Réforme mais celle-ci échoue sous de violentes réactions catholiques poussant Catherine de Médicis à se séparer de lui. Le règne de Charles IX s’illustre par les guerres de religion les plus sanglantes. Les guerres éclatent entre le parti protestant et le parti catholique à partir de 1562 ; Gaspard s’engage auprès du prince de Condé qui périt sept ans plus tard, le 13 mars 1569, dans le combat indécis de Saint-Denis, au cours de la troisième guerre de religion. Véritable chef de guerre, Gaspard II de Coligny parvient à renverser la tendance à son avantage à partir d’octobre 1569 en se dotant de la puissance des « vicomtes » en Languedoc pour piller les villages catholiques, prendre St-Etienne, gagner à Arnay-Le-Duc, menaçant alors directement Paris. Il fait céder le roi qui l’avait condamné à mort et c’est la paix de Saint-Germain-en-Laye. Restera le profond haïssement des catholiques de la cour envers lui limitant son influence sur le roi et se sera Charles de Louviers, seigneur de Maurevert, connu pour avoir aussi abattu le chef calviniste Vaudrez de Mouy en 1569, qui se charge de l’assassinat de Gaspard II de Coligny, le 22 août 1572. Seulement très sévèrement blessé par le coup de feu, il est entretenu par le chirurgien Ambroise Paré et le roi Charles IX se rend à son chevet pour lui promettre justice. Malheureusement, l’assassinat de tous les chefs protestants fut presque immédiatement programmé et Gaspard est achevé dans la nuit du 24 au 25 août 1572 dans son lit, à coups de dague et son corps est jeté par la fenêtre par le principal acteur de son assassinat, Charles Danowitz (il dut son ascension sociale à la faveur des Guise et il fut tué plus tard en 1577, transpercé d’un coup d’épée du capitaine Berthoville appartenant à la garnison du château de Bouteville, favorable aux protestants).

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Au-dessus de l’Autel du Chœur du temple, on notera la maîtresse-vitre des Burnand présentant l’Arbre de vie avec le pain et les épis et diverses inscriptions (image ci-dessous, la plus à droite).

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