Anatomie du Bovidé
Mon étude anatomique sur les bovidés se limite aux informations que je juge personnellement utiles en qualité de photographe fasciné par ces mammifères. J’aurai pu pousser l’étude davantage plus loin sur ces animaux avec toute la matière disponible dans ma bibliothèque et sur internet mais cela n’aurait fait qu’alourdir la masse d’informations sans apporter de supplément réellement intéressant pour le plus commun de mes visiteurs.
En excluant les variations de proportions et de format, les variations des panachures blanches, je me suis concentré sur :
- Les perceptions sensorielles et comportement
- La plastique générale d’un bovin avec son vocabulaire
- La plastique bouchère pour les races à viande
- Les appareils reproducteurs du bovidé mâle et femelle
- Les trois profils plastiques
- Le cornage (les formes de cornes)
- Le système digestif
- L’émission de méthane (CH4) par l’organisme des bovins
Nom de la sous-espèce exacte | Bos taurus taurus |
Taille | 120 à 150 cm |
Poids moyen | 600 à 800 kg pour les femelles 1000 à 2000 kilos pour les mâles |
Principales fonctions | Lait, viande de boeuf et le travail |
Perceptions sensorielles et comportement du bovidé par rapport à son environnement
Dans son remarquable ouvrage “L’interprète des animaux” édité en langue française par ODILE JACOB, le Dr. Temple GRANDIN, autiste de haut niveau introduit sa longue liste des détails pouvant effrayer les bovidés par ce paragraphe (page 44) : “Quand un animal (…) voit le monde réel, et non sa représentation mentale, il en perçoit tous les détails. C’est ce qu’il y a de plus important à savoir concernant la façon dont les animaux perçoivent le monde : ils voient des détails que les hommes ne voient pas. Voici la clé.”
Page 45, elle poursuit :
“Seules les personnes très visuelles réagissent aux détails comme les animaux.”.
Pour le photographe de taureaux et de vaches que je suis, ces affirmations sont une véritable révélation au cours de l’année 2011 car il m’apparaît dès lors tout à fait évident que pour devenir un grand photographe de bovidés, il me faut être encore meilleur que les autres photographes et en premier lieu comprendre le comportement de mes sujets favoris, stars de mes images.
La longue liste fournie par le Dr Temple GRANDIN s’attache tout simplement à m’encourager à étudier les perceptions sensorielles de ces mammifères…
Bien plus que n’importe quel sens, celui de la vision oculaire est déterminant chez les animaux et notamment chez les bovins. Quelques bruits peuvent effrayer une vache mais c’est déjà des cas beaucoup rares car le photographe est en général un personnage silencieux évoluant dans la nature. En somme, les comportements d’un bovin seront très souvent motivés par ce qu’il perçoit dans son champ visuel.
Les bovins sont dotés d’un champ visuel extrêmement vaste de 330° sans devoir bouger la tête. Les bovins distinguent des mouvements infimes imperceptibles pour l’homme. Toutefois, ils mettent en revanche beaucoup de temps pour s’adapter à des variations importantes de lumière ; les alternances entre zones d’ombres et de lumière peuvent être interprétées comme des obstacles. Ils sont particulièrement réceptifs à la longueur d’onde du rouge ; le vert, le bleu et le gris étant des couleurs mal définies par ces mammifères.
Autrement, leur ouïe est extrêmement sensible jusqu’à 35000 Hertz. En revanche, ils ont beaucoup plus de mal à localiser la source du son par rapport à l’humain.
Leur odorat est particulièrement sensible (15 fois supérieur au nôtre) au parfum de l’anis pour les attirer ou bien à l’odeur des excréments/bave pour les refouler.
Le toucher chez le bovin se découpe en trois catégories :
- La sensibilité tactile
- La sensibilité douloureuse
- La sensibilité thermique
Les zones les plus tactiles sont les plus fines au niveau de l’épiderme :
- Les joues
- L’encolure
- L’attache de la queue
- L’intérieur des cuisses
- La mamelle
- La vulve
Les récepteurs à la douleur se trouvent en grand nombre :
- A l’intérieur des naseaux
- A la base des cornes
La sensibilité thermique permet de renseigner les bovins sur :
- La température ambiante
- L’humidité
- La vitesse du vent
Autres perceptions :
Sensibilité aux champs électriques et champs magnétiques
Les 18 petits détails qui effraient les animaux par le Dr. Temple GRANDIN
1. Reflets brillants sur des flaques d’eau
2. Reflets mobiles sur du métal poli
3. Chaînes qui pendent et se balancent
4. Bruits métalliques des grilles, portes coulissantes, trappes de contention…etc
5. Sons aigus des alarmes de recul des camions, du glapissement d’un système hydraulique, de certains moteurs
6. Sifflements d’air et tous les sons aigus ressemblant trop à des appels de détresse couramment utilisés par les animaux pour signaler un danger
7. Courants d’air dirigés vers la face. Les vaches détestent le vent dans le visage et se tiennent l’arrière-train dans le vent pendant les orages
8. Des vêtements ou des objets posés sur une barrière ; le pire sont les vêtements jaunes interpellant fortement une vache au point de provoquer son arrêt brutal
9. Morceaux de film plastique s’agitant dans le vent ou serviettes en papier quand le vent les pousse
10. Pales de ventilateur tournant lentement ou moulin à vent pouvant tétaniser des vaches
11. Gens s’agitant devant eux. Il convient de rester particulièrement immobile.
12. Petits objets sur le sol pouvant représenter un obstacle aussi infranchissable qu’un amoncellement de troncs d’arbres pour une vache de 600 kg
13. Contraste très important découlant de fortes différences de sols et de textures (passage d’un sol métazllique à un sol en ciment)
14. Les grilles d’évacuation d’eau sur le passage (problème de contraste comme 13)
15. Brusques changements de couleur (contrastes trop violents)
16. Entrée de couloirs trop sombres (passage trop brutal entre ombre et lumière)
17. Lumière vive ou soleil aveuglant apparaissant et disparaissant par alternance au-dessus ou derrière un bâtiment
18. Portes antirecul qu’il vaut mieux éviter d’utiliser avec ces animaux
Vocabulaire de la plastique générale d’un bovidé
La plastique bouchère pour les races à viande
Les appareils reproducteurs du bovidé mâle et femelle
L’étude des appareils reproducteurs du Bos Taurus (bovin domestique occidental) aurait pu être escamoté. Pourtant, il me semble utile d’en parler car je suis toujours en admiration devant la précision et les anticipations de la nature. En cela, l’appareil reproducteur mâle se révèle le plus intéressant compte-tenu de la merveilleuse mécanique interne à l’animal permettant l’érection chez un taureau.
Appareil reproducteur mâle
- Testicules pesant 800 g (à elles deux)
- Pénis mesurant entre 80 et 110 cm
- Pénis composé de tissus faiblement érectiles
- L’érection du taureau est obtenue par la flexure sigmoïde (rep.13), inflexion en forme de S permettant par son dépliement, l’allongement de l’organe hors du fourreau, lors de la séquence d’accouplement
- Fourreau d’une longueur de 35 à 40 cm pour un diamètre de 3 cm
Glandes permettant l’obtention de la semence :
- Prostate (rep.2)
- Glandes de Cowper (rep.3)
Appareil reproducteur femelle
- Ovaires (rep.11) de très petite taille à 40cm de la vulve de petite taille (10 à 20 g) et en forme d’amande.
- La fécondation et premiers stades de développement de l’embryon se déroulent dans l’oviducte (rep.13).
- Utérus, organe de la gestation, séparé en deux cornes utérines de 35 à 40 cm légèrement circonvolutionnées.
- Col de l’utérus (rep.8) mesurant une dizaine de centimètres.
- Vagin (rep.4) mesurant 30 cm de long pour 5 à 6 cm de diamètre.
- Vulve (rep. 2) mesurant seulement 10 cm.
Glandes et organes permettant l’obtention du lait :
- Glande mammaire (rep.6)
- Trayons (rep.7)
- Le pis (rep.14)
La dentition et évaluation de l’âge d’un bovin
La dentition du bovin est adaptée à la nourriture fourragère, chose facilement déductible pour un ruminant.
Composition de 32 dents chez le bovin adulte (animal agé de 48 mois).
- Huit incisives inférieures
- Quatre prémolaires
- Trois molaires par demi-mâchoire
A noter que les bovins n’ont pas d’incisives supérieures.
Trois profils plastiques (silhouette) pour l’histoire…
Les “coordonnées Baronniennes” sont des caricatures de la variation du profil (silhouette) d’un bovin au niveau de l’axe dorso-lombaire comme le voulait Raoul Baron, professeur de zootechnie à l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort.
Ce professeur est à l’origine des trois groupes de critères, invention originale et universelle :
- La plastique (= forme du profil, proportions, format)
- La phanéroptique (variations subies par la peau)
- L’énergétique (caractères physiologiques se traduisant par une aptitude zootechnique)
Les “coordonnées Baronniennes” ne sont qu’une partie du premier groupe de critères dressant la plastique d’un bovin. A notre époque moderne, il ne faut pas s’attendre à pouvoir identifier ces caricatures car la sélection a depuis longtemps, sur le long terme, pu contrecarrer ces variations. Dans presque toutes les races, on a fini par se concentrer sur les animaux ayant un corps parfaitement rectiligne. Les deux autres profils ont pour ainsi dire disparus…
Différentes formes de cornes
Le système digestif d’un bovidé
Le système digestif d’un ruminant, plus précisément d’un Bos taurus taurus (race domestique de l’Europe Occidentale sur laquelle se focalise toute mon attention), tire son particularisme de sa composition quadri-estomatique (trois pré-estomacs et l’estomac final) découlant sur un très long processus de l’absorption de l’aliment jusqu’à sa transformation en excréments. Les trois pré-estomacs, agissant comme des tamis de plus en plus étroits, visent à réduire progressivement la taille et l’état structurel des matières ingérées.
1 – Tout d’abord, comme chez l’humain, l’aliment est mastiqué dans la bouche et absorbé. Il est alors transporté par l’oesophage vers le premier pré-estomac, la Panse (le Rumen).
2 – Le premier pré-estomac, appelé la Panse ou le Rumen, est le plus important avec son volume d’environ 200 litres. Il agit comme un grand saladier en enclenchant une fermentation des aliments sur une durée de 24 à 48 heures grâce à l’action d’un grand nombre de bactéries. Dans ce grand conteneur se forme le fameux gaz rejeté par les bovins, le méthane car parmi toutes ces bactéries, les minuscules “bactéries méthanogènes” (100 milliards par millilitre de liquide dans le Rumen) absorbent l’hydrogène pour produire le méthane.
3 – Au bout de ce cycle de plusieurs dizaines d’heures de gestation des aliments à l’intérieur du Rumen, ces derniers remontent dans la bouche pour enclencher la rumination, action mobilisant la production d’un litre de salive toutes les 5 minutes environ.
4 – Le cycle de rumination dure une dizaine d’heures par jour jusqu’à la réduction en bouillie des aliments ingérés. Ils sont dès lors transférés dans le second pré-estomac, le Réseau (le Réticulum ou Bonnet).
5 – Le Réseau est le plus petit des quatre estomacs. Pourtant, son existence est essentielle pour la suite du périple des aliments car il sert de gare de triage entre le premier, le Rumen et le troisième, le Feuillet (l’Omasum) afin de s’assurer que seules les petites particules de seulement 1mm maximum puissent poursuivre leur chemin dans ce troisième pré-estomac, en réhabilitant les plus grosses vers la séquence précédente de rumination.
6 – Le Feuillet est d’une capacité de seulement quelques litres et retient principalement l’eau contenue dans les particules. Il n’est pas essentiel chez tous les ruminants car les chameaux, lamas et alpacas en sont dépourvus. Dans le cas des bovins, son existence permet l’assimilation de certains nutriments. Les particules sont pour conclure transférées dans l’estomac final, la Caillette.
7 – La Caillette présente beaucoup de similitudes avec l’estomac humain. Alors que les trois pré-estomacs (Rumen, Réseau et Feuillet) jouent un rôle uniquement microbien, la Caillette (l’Abomasum) permet l’action enzymatique (protéines facilitant une réaction biochimique). Elle sécrète un acide fort permettant la transformation finale des aliments en déchets, prêts à arpenter le long labyrinthe des intestins. J’ai parfois été interloqué de voir certains très jeunes bovins en photo opérés afin d’atteindre cette Caillette. Je ne comprenais pas l’intérêt d’une telle opération. Pourtant, il convient de savoir que cet estomac est producteur d’un coagulant, la Présure, constituée d’enzymes digestives actives appelées chymosine permettant la coagulation du lait en vue de fabriquer des fromages. La chymosine se trouve dans le suc gastrique. Elle permet, sans entrer dans les détails, la solidification du lait d’où le nom de lait caillé. Le nom de l’estomac, la Caillette, où se trouve le moyen d’obtenir chimiquement cette transformation révélant tout son sens.
8 – L’épopée se conclue dans les intestins, tout comme chez l’humain. Les déchets finissent à l’air libre par un infime dégazage de méthane sous la forme communément appelée “bouse de vache”.
L’émission de méthane (CH4) par l’organisme des bovins et la nature
Autant regarder les choses en face, mes amis les bovidés ne sont pas écologiques du tout. Curieux paradoxe en effet pour un fervent défenseur de notre planète de m’émouvoir pour des animaux représentant l’une des plus grandes sources d’émission de gaz à effet de serre.
Le méthane (CH4) est un puissant gaz à effet de serre : l’émission d’une tonne de méthane a un effet équivalent à 21 tonnes de dioxyde de carbone (CO2), surprenant n’est-ce pas ? C’est pourtant une source canadienne très sérieuse qui s’appliqua à modéliser concrètement les effets de cette production de CH4 par les bovins en 2009. Une vache peut produire jusqu’à 500 litres de ce gaz par jour prenant naissance dans le Rumen soit 120 kg de CH4 par an pour un seul animal. À l’échelle du globe, le bétail produit une quantité énorme de méthane, probablement 15 % des émissions mondiales de l’ensemble des gaz à effet de serre. Imaginons un seul instant 1,3 milliard de bovins à travers le monde faisant des dégazages, toute la journée, ceci donne une idée de l’intérêt majeur de la question. Il convient d’ajouter néanmoins, contrairement aux idées pré-conçues, 85 % du méthane sort par la bouche et le nez de l’animal. Le reste, à peine 15%, voyage à travers le gros intestin avant d’être libéré par derrière.
On observe une progression de la concentration en méthane d’environ 1 % par année contre 0,5 % pour le gaz carbonique. On peut naturellement apercevoir une crainte en ce méthane, pouvant évoluer vers un futur problème majeur. A travers la simple étude de ce gaz et de mes amis les bovins, je suis confronté à ma plus grande surprise en une question d’ordre beaucoup plus vaste : L’avenir de ma planète Terre. Tous les animaux qui se nourrissent de végétaux produisent naturellement du méthane. Moins de 0,5 % du total des émissions de méthane est attribuable aux humains. La faune sauvage en produit environ 5 % mais la contribution des bovins est colossale : 71 % du total !
Avant d’imaginer la disparition de notre espèce humaine par le très progressif dérèglement du climat à cause de l’éloignement de la lune et de la majoration de l’obliquité de la Terre sur son axe d’ici un milliard d’années ou bien l’anéantissement de notre planète dans cinq milliards d’années dans le gonflement du soleil vieillissant, on se rend compte que la domestication des bovins par l’humain, il y a 10 500 ans impose aussi sa loi dans notre existence par son action directe sur la composition de l’atmosphère de notre planète. Certains scientifiques se sont rendu compte d’une baisse possible de 10% de l’émission de méthane en mélangeant de la luzerne au fourrage habituel.
Les animaux qui broutent dans des champs de luzerne produisent davantage tout en émettant moins de méthane que ceux qui se nourrissent de fourrage vert.
Réduire l’émission de méthane par l’organisme d’une vache est un défi gagnant pour tous car le méthane représente une perte d’énergie non négligeable pour l’animal. Si on arrive à réduire la production de ce gaz, on améliore les résultats et par le fait même on rentabilise l’élevage du bétail ; solution gagnante, à la fois pour la société et pour l’agriculteur. Qui aurait pu croire que l’étude de l’organisme d’un bovidé pouvait être si riche d’enseignement ?