Etat des lieux des étoiles RCB
La surveillance des étoiles variables pourrait orienter certains d’entre nous vers une cible tout particulièrement intéressante actuellement. Contrairement aux étoiles Mira qui constituent la majeure partie du travail de fond d’observations des variabilistes par l’existence d’une périodicité bien définie et d’un delta régulier entre maximum/minimum, les étoiles de type RCB sont des étoiles variables en fin de vie très spectaculaires riches en carbone, pauvres en hydrogène dont la particularité est de chuter brutalement fortement en éclat sans périodicité apparente jusqu’à 8 magnitudes puis de retrouver leur luminosité apparente très progressivement la plupart du temps quelques mois plus tard. Près de leur minimum, certaines de ces étoiles peuvent même sembler « disparaître » du champ spatial pendant plusieurs années. Il semble maintenant acquis scientifiquement que ces chutes soudaines de luminosité sont dues à des poussières de carbone formées par ces étoiles. Lorsque ces nuages de poussières se trouvent sur notre ligne de visée, ce qui arrive aléatoirement, ils obscurcissent l’étoile au point d’une disparition apparente.
Ces étoiles intrigantes qui prennent parfois le nom de « novae réversibles » (à ne pas confondre avec les novae récurrentes comme la fameuse T CrB dont on attend toujours la nouvelle explosion) remettent en question nos modèles de structure stellaire. Elles tirent la désignation de leur type de l’étoile variable prototype R CrB située donc dans la Couronne Boréale (la première étoile variable découverte et patiemment observée présentant ce comportement si particulier). Variabilité atypique découverte par l’astronome anglais Edward Pigott en 1795. Désignation d’étoile variable RCB officiellement introduite par Friedrich Wilhelm Argelander en 1850. En 1935, ce fut aussi la première étoile pour laquelle on montra qu’elle avait une composition chimique différente de celle du Soleil par analyse spectrale. Les étoiles RCB se reconnaissent par des raies d’hydrogène particulièrement faibles voire absentes, tandis que les raies du carbone et les bandes moléculaires du cyanogène (CN) et de C2 sont exceptionnellement fortes. Les raies de l’hélium et de métaux comme le calcium sont aussi présentes.
Le cas particulier de Z UMi
Contrairement à R CrB, si vous souhaitez vous attarder longuement sur une étoile de type RCB pour des travaux poussés de photométrie comme de spectrographie, Z UMi présente pour principal avantage de ne jamais être en conjonction solaire, ce qui en fait une parfaite étoile laboratoire. Idéalement placée à proximité du pôle céleste nord, elle est donc parfaitement observable à nos latitudes françaises lors de chaque nuit exploitable. Aussi étrangement que ceci puisse paraître, la variabilité atypique de type RCB de Z UMi est confirmée depuis seulement un peu moins de vingt ans, en 2006. Repérée comme étoile variable pour la première fois en 1934, on pensait encore jusqu’à très récemment qu’il s’agissait d’une banale étoile Mira. Bilan scientifique assez compréhensible de cette erreur de diagnostic quand on consulte la courbe de lumière de Z UMi archivée dans les bases de l’AAVSO et de l’AFOEV qui montre que cette étoile est assidûment l’objet de science participative PRO/AM depuis seulement l’année 1994. Ceci découlant sans doute du passage soudain de cette étoile du rang de cible confidentielle (même chez les professionnels) à une cible très bien connue des amateurs lors de la première médiatisation de la baisse brutale de 6 magnitudes de cette étoile en 1992, jugée alors comme exceptionnelle à l’époque par l’absence d’observations plus anciennes. Quand on s’interroge parfois sur ce que l’amateur (même s’il n’est pas spécialement assidu) peut encore apporter au XXIème sur les connaissances scientifiques en astronomie, ceci représente un bon élément de réponse.
Le dernière « disparition » de Z UMi
En consultant la courbe de lumière de Z UMi construite à partir de 28718 observations, il s’agit habituellement en dehors de toute variabilité d’une étoile « lumineuse » de magnitude 10,7 environ, aisément observable visuellement dans un télescope de 200mm d’ouverture. Depuis 1994, on dénombre seize obscurcissements de l’étoile d’intensités très variables dont quatre majeurs comme celui affectant l’étoile depuis l’été 2024. Z UMi présente habituellement des chutes de luminosité déjà spectaculaires jusqu’à la 15ème-16ème magnitude. Par quatre fois (2007, 2012, 2013 et 2024), elle s’est obscurcie jusqu’à talonner la 19ème magnitude, provoquant sa (presque) disparition dans une grande partie du matériel courant d’amateur, même en CCD.
Cette dernière « disparition » de Z UMi s’est enclenchée à la mi-juillet 2024. Comme à chaque fois avec une étoile de type RCB, la chute de luminosité est rapide et vertigineuse. Trois semaines plus tard en août, elle n’était déjà plus visible visuellement dans un instrument de 200mm. Le 5 octobre, elle fut en limite de détectabilité des télescopes intelligents comme le Seestar S50 (16ème magnitude) ; D’ailleurs, le 6 octobre, le dernier amateur à l’observer visuellement estimait l’étoile à mag 15,6 ; la suite de la courbe de lumière n’étant plus que l’oeuvre exclusive de CCD’istes. A peine une vingtaine de jours après, le 24 octobre, les dernières mesures dans le vert l’estimaient autour de la mag 18,5 ; un éclat la réservant dès lors temporairement à un très petit collège d’amateurs particulièrement bien équipés situés préférentiellement dans un ciel rural. L’année 2025 représentera alors à coup sûr l’occasion très intéressante de suivre la réapparition progressive de Z UMi au fur et à mesure que les poussières de carbone entourant l’étoile se disloqueront.
Les prémices de la réapparition de Z UMi
Le 26 décembre 2024, bénéficiant enfin d’une opportunité pour observer pour la première fois Z UMi, j’ai dirigé mon Seestar S50 en sa direction. La cible étant très faible, j’ai effectué l’intégration sur la base de 18 poses de 30 secondes chacune. On y perçoit alors très faiblement Z UMi autour de la magnitude 16,5. A peine un mois après, le 20 janvier 2025, l’observation d’un amateur dans le vert estime déjà Z UMi à 15,5. Les poussières de carbone se disloquent sans aucun doute. Ré-illumination de Z UMi en cours, à suivre…
Si la dislocation des poussières est régulière, Z UMi devrait retrouver son éclat normal d’environ 10,7 pour le milieu du printemps.
Ce sujet initialement spécifiquement rédigé pour le numéro 116 du Cosmos Express de L’Uranoscope (janvier 2025) n’a pas été retenu par la rédaction. Suite à l’assemblée générale du 5 octobre 2024, une équipe rénovée se voulant large et responsabilisée est à pied d’œuvre, faisant en sorte que les tâches (et donc les décisions) soient très réparties selon les compétences et les bonnes volontés de chacun. Les petits oubliés de ce numéro pardonneront cette volonté éditoriale de rappeler sans doute au lecteur cette nouvelle donne qui fait tourner l’Uranoscope. Une circonstance finalement très heureuse car ceci m’a octroyé la possibilité d’actualisation de ce sujet d’actualité astronomique pour procéder à son édition le 20 janvier 2025 dans le journal de mon site internet.