Je n’ai pas acheté le Seestar S50 seulement pour faire de belles images d’objets photographiés 100 000 fois avant moi pour me faire plaisir de temps en temps comme tout amateur d’astronomie. C’est d’ailleurs dans ce premier cas de figure devenu tellement facile, en se tournant littéralement les pouces devant son smartphone ou sa tablette, qu’il valait mieux que je justifie des raisons bien plus excitantes d’investir dans un télescope intelligent, si la réussite de la prise de vue stellaire ne représente plus un maillon absolu de la chaîne. Je le destine avant tout comme un compagnon réactif pour rentabiliser pleinement les quelques opportunités par an de pouvoir passer un peu de mon temps sous la voûte céleste les samedi soirs dégagés ou pendant les vacances, sans devoir sacrifier trop d’énergie comme de mon temps à ma vie de famille comme professionnelle, pour prendre des images entre 3 et 10 minutes de pose pour réaliser des analyses ou bien réaliser de temps en temps une image solaire pour réaliser des mesures de taches. L’appareil, classé dans la catégorie des jouets connectés pour débutants est plutôt très sous-estimé dans ses utilisations scientifiques. En tant que astronome amateur averti, il m’a semblé important de valider la pertinence de mes petits espoirs placés en ce télescope ultra-portatif livré chez moi fin juin 2024 et finalement pour la première fois utilisé/testé les 13 et 14 juillet 2024.
Pour satisfaire mes espoirs, j’utilise deux logiciels gratuits : ASTAP pour le stellaire et WinJupos pour le solaire.
Astrométrie et photométrie
Je crois que c’est le domaine le plus incroyable quand on utilise le Seestar pour faire de la science : Il produit des planches FITS du ciel en quelques minutes immédiatement propres et avec toutes les métadonnées nécessaires déjà renseignées pour la reconnaissance astrométrique par n’importe quel logiciel (Siril, ASTAP, IRIS, Aladin, AstroImageJ,…), sans devoir se coltiner tout d’abord les épreuves de l’offset, des darks et des flats avant de se lancer dans l’analyse à proprement dite des planches. Autrement dit, à moins que ce soit pour éventuellement recentrer des images unitaires sur la tête d’une comète en mouvement pendant les poses, l’utilisation purement scientifique des planches stellaires FITS du Seestar fait immédiatement sauter tout le processus de prétraitement habituellement requis dans le cadre d’une instrumentation traditionnelle à éléments dissociés (instrument, monture, caméra, ordinateur). Le gain de temps d’analyse est considérable ! Les champs FITS peuvent être analysés (presque) en temps réel si on possède un ordinateur PC sur le terrain sur lequel tourne un logiciel d’astrométrie/photométrie.
Après avoir éprouvé plusieurs logiciels, ASTAP sort du lot pour sa capacité à exploiter facilement toute planche FITS :
- Il reconnaît automatiquement la/les comète(s) ou l’/les astéroïde(s) présents dans le champ à partir des données MPC
- Il reconnaît automatiquement la variable à mesurer dans le champ
- Il permet d’extraire en un clic sur le centroïde les coordonnées AD et DEC de la comète ou de l’astéroïde
- Il permet d’estimer la magnitude moyenne de tout objet (comète, astéroïde, amas d’étoiles, nébuleuse, étoile variable,…)
- Il permet d’estimer en une seule passe la magnitude de la presque intégralité des étoiles présentes dans le champ et la magnitude maximale moyenne atteinte par le Seestar dans n’importe quelle planche FITS
- Il possède une fonction « unknown stars » qui permettrait en théorie de comparer un champ d’étoiles photographié avec les catalogues les plus riches/élaborés et d’annoter automatiquement une étoile éventuellement inconnue comme une anomalie dans l’image. Fonction ayant été élaborée pour repérer les supernovae éventuelles (déjà découvertes ou nouvelles) dans des clichés de galaxies notamment.
C’est le point 5 qui s’avère le plus intéressant dans mes premières analyses sur trois planches produites dans la nuit du 13 au 14 juillet 2024 car pouvoir faire de la science avec le Seestar, ceci nécessite déjà que le rapport magnitude max atteinte/temps de pose y soit favorable. Rappelons que optiquement, le Seestar est équivalent à une lunette apochromatique triplet ED de 50 mm d’ouverture ouverte à f/5, ce qui n’est déjà pas mauvais sur le papier mais dans la pratique, ça donne quoi finalement ? 😉
Tout d’abord, pour la photométrie, il faudra dissocier les canaux R, V et B de la planche FITS couleur brute du Seestar à partir d’un logiciel comme Siril ou IRIS. On ne conservera alors pour la photométrie que la couche V pour le logiciel ASTAP, qui présente une réponse assez proche de l’étalonnage V-Johnson des catalogues photométriques, couramment utilisé avec un capteur monochrome. Petit détail qui n’en est pas un car ceci garantira la fiabilité des mesures.
Grâce au logiciel ASTAP, on notera que le Seestar S50 fait parfaitement le boulot. Il monte facilement à la 16ème magnitude voire 17ème en seulement une petite dizaine de minutes de pose cumulées en poses unitaires de 20 secondes (selon la richesse du champ étoilé), ce qui le prédispose effectivement à des travaux sérieux expéditifs qui dépassent complètement le cadre de petit télescope intelligent gadget pour débutants dans lequel la description commerciale habituelle des revendeurs a plutôt nette tendance à l’enfermer. Pour moins de 700 euros, l’analyse est très heureuse pour un appareil de ce gabarit.
Pour rappel : un télescope de 200 mm permet d’entrevoir visuellement en théorie seulement jusqu’à la 13ème magnitude.
« Petit mais costaud » comme dirait l’un de mes camarades de l’Uranoscope ! 😉 🙂
Le solaire
Le Seestar S50 permet de photographier le soleil avec un filtre polymère de très bonne qualité livré de série, fort proche de l’astrosolar. En filmant en AVI RAW sans compression à 1,5 Go/minute, il existe un moyen très efficace d’obtenir avec le Seestar des images solaires très bien résolues par alignement, empilement et traitement par ondelettes. Comme pour le stellaire, il existe toutefois un logiciel permettant d’en tirer beaucoup plus que de superbes images solaires : WinJupos. J’ai pris connaissance de l’existence de ce logiciel dès 2005, quand il s’agissait de dérotation et d’analyse des images de Jupiter comme de Saturne auprès d’un certain Christophe Pellier, devenu depuis une véritable renommée dans ce domaine pour justement ne pas se suffire seulement à l’image mais d’être capable de les comprendre, de les décoder d’un point de vue scientifique. WinJupos s’est donc fait un nom dans la sphère astronomique, surtout pour les trois planètes que sont Mars, Jupiter et Saturne mais on a tendance à oublier qu’il permet aussi de faire parler les images solaires quand il s’agit d’analyser une seule image ou une série d’images solaires du disque entier prises à plusieurs jours d’intervalle. Notamment mesurer des élongations, des dérives et la taille d’un groupe de taches.
Il faut indiquer à WinJupos quelques informations comme l’échantillonnage, la taille d’un pixel du capteur, le diamètre de l’instrument, sa focale. Ainsi, avec la plus grande facilité, on peut déterminer à titre indicatif la longueur kilométrique supposée du groupe de taches solaires le plus spectaculaire du dimanche 14 juillet soit environ 260 000 km (20 fois le diamètre de la Terre !).