L’estimation visuelle de magnitude
Les observateurs de comètes, de novæ, d’astéroïdes ou d’étoiles variables ont souvent à effectuer des estimations de magnitude. Ces estimations permettent de suivre l’évolution de l’éclat d’un astre particulier. Selon le standard de Pogson, il existe tout d’abord deux premières méthodes élémentaires pour établir visuellement une estimation de magnitude visuelle stellaire apparente sur des cibles sur lesquelles la mise au point est focalisée :
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La méthode fractionnelle
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La méthode à proprement dite de Pogson
I ) ESTIMATION VISUELLE DE MAGNITUDE PAR FOCALISATION
La méthode fractionnelle
C’est la méthode la plus simple.
Cette méthode s’appuie sur l’utilisation de deux étoiles de référence, dont l’une sera plus brillante que l’astre à estimer, et l’autre moins brillante (étoiles A et B). Leur différence de magnitude doit être, si possible, d’environ 0,5. Il n’est pas indispensable de connaître leur véritable magnitude qu’il faudra prendre en compte une fois l’observation terminée ; En revanche, il est indispensable de réaliser un dessin du champ étoilé de manière à repérer ces étoiles de référence par rapport à l’astre à estimer. Ce dessin donnent un aperçu de l’emploi de la méthode.
Il suffit ensuite de diviser mentalement, par comparaison visuelle, leur différence de magnitude.
On peut alors arriver à des constatations comme par exemple :
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L’étoile A est deux fois plus lumineuse que l’astre à estimer
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L’étoile B est trois plus faible que l’astre à estimer
En supposant alors que l’étoile de référence A a une magnitude de 10,5 et l’étoile B, une magnitude de 11, un simple calcul permet de déterminer que l’astre observé avait une magnitude d’environ 10,7 au moment de l’observation.
La méthode à proprement dite de Pogson
Il s’agit de la méthode fractionnelle affinée en travaillant avec davantage d’étoiles candidates dont la magnitude précise est connue. C’est une méthode qui s’adresse à des observateurs chevronnés. Cette méthode implique que l’observateur puisse évaluer l’éclat d’une étoile ou d’un tout autre astre, à un dixième de magnitude près. Il s’agit de faire une comparaison à un grand nombre possible d’étoiles de magnitude très proches : Plus on a d’éléments de comparaison, meilleurs sont les résultats.
II) ESTIMATION VISUELLE DE MAGNITUDE PAR DEFOCALISATION
D’autres astronomes ont proposés trois méthodes visuelles d’estimation de magnitude par défocalisation d’un champ d’étoiles :
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Méthode de Beyer
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Méthode de Bobrovnikoff
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Méthode de Sidgwick
Ce sont les méthodes préférables pour l’estimation visuelle de la magnitude de la coma d’une comète car bien que les mesures CCD ont fait des progrès considérables, il demeure plutôt satisfaisant d’estimer la magnitude globale d’une tache floue en visuel.
Bobrovnikoff est celui ayant mis notamment en évidence un effet selon lequel l’éclat attribué par une comète est d’autant plus faible que l’instrument utilisé est plus puissant. Pour une comète observée au même instant et dans les conditions identiques, l’écart de magnitude est en moyenne égal à 0,4 mag entre une lunette de 70mm et un télescope de 260mm. Dans le dépouillement des observations, il devra être pris en compte l’effet d’ouverture. Quelque-soit l’instrument employé, la défocalisation doit être effectuée à faible grossissement, au voisinage du grossissement équipupillaire (pupille de sortie entre 6 et 7mm soit le grossissement de 30x dans le cas d’un télescope Newton de 203mm), de manière à tenir compte des plus faibles extensions dans l’appréciation du diamètre de la coma. D’autres expériences relatent plutôt le choix d’une ouverture pupillaire comprise entre 4 et 5mm (50x pour un 200mm) pour réduire la clarté du fond du ciel.
Une très bonne accoutumance à l’obscurité est nécessaire. Une excellente estimation de magnitude peut demander dix minutes à l’observateur, le temps d’un nombre conséquent d’allers-retours entre la comète et les étoiles d’étalonnage, sans compter de nombreux passages en intra-extra focalisation pour se persuader de la bonne tenue de ses mesures.
La méthode de Beyer
Pour les débutants, la méthode de Beyer est tombée depuis longtemps en désuétude et en disgrâce. Elle présente pourtant le principal avantage d’être facile à appliquer. Elle consiste à défocaliser un champ d’étoiles jusqu’à la disparition complète de la comète. Par comparaison des étoiles qui disparaissent peu avant et peu après la comète, il devient possible d’obtenir un ordre de grandeur de l’éclat de l’objet cible au milieu des étoiles. Il s’agit d’une méthode intéressante à utiliser en introduction de l’utilisation ultérieure d’une méthode de Bobrovnikoff ou de Sidgwick par la pré-sélection rapide des étoiles de comparaison à utiliser pour estimer plus précisément la magnitude de l’objet cible.
Choisir ensuite entre les deux méthodes ci-dessous est plus une question de circonstances que de goût personnel. Quand la comète traverse un champ d’étoiles calibrées, la méthode de Bobrovnikoff fait référence ; méthode particulièrement valable pour les comètes brillantes jusqu’à magnitude 9,5 pour lesquelles le catalogue SAO fournira toujours des références. Pour les comètes plus faibles, il devient plus difficile de trouver des étoiles de comparaison, à moins de faire appel à l’excellent catalogue TYCHO-2 contenant les mesures astrométriques et photométriques de 2 539 913 étoiles jusqu’à la magnitude limite visuelle théoriquement atteignable de 13 pour un télescope de 200mm (diamètre moyen du miroir primaire utilisé par l’amateur « sérieux »). Assurément, par expérience des anciens, quand la comète franchi la dixième magnitude, la méthode de Sidgwick prend l’avantage par la nécessité de déplacer le télescope pour trouver des candidates de comparaison à la magnitude fiable.
La méthode de Bobrovnikoff
La méthode est la plus usitée par les observateurs de comètes car la plus objective et la plus précise, à condition d’une comète plus lumineuse que la magnitude 10. On effectue la comparaison par « étalage » de la luminosité des étoiles étalon par défocalisation générale du champ de vision, avec la luminosité de la comète elle-même « étalée » par le même facteur d’intra/extra-focale. L’erreur fréquente de mesure provenant d’une défocalisation insuffisante par les débutants, il ne faudra jamais hésiter à « forcer » sur les écarts autour du point de netteté pour éviter une sous-estimation de l’éclat de la comète pouvant atteindre la magnitude, parfois plus. On évitera toute tentative d’estimation de magnitude quand la Lune est présente.
La méthode de Sidgwick
Méthode « In-Out ». Il s’agit d’une méthode alternative à celle de Bobrovnikoff qui s’impose aux comètes faibles (plus faibles que mag 10) quand la recherche d’étoiles étalons devient plus difficile. Cette méthode est plus technique dans le sens où il convient d’être capable de mémoriser l’éclat visuel de la comète pour pouvoir ensuite la comparer de mémoire avec des étoiles situées en dehors du champ du télescope dans lequel la comète se situe. Toutefois, cette méthode a démontré également son efficacité à l’usage, par la capacité naturelle de notre cerveau de mémoriser bien plus facilement, bien plus fidèlement, une comète sur une durée de plusieurs minutes. La pratique intensive de ce type de mesure représente la meilleure façon de la fiabiliser.