Soirée du 26 décembre 2024
En astronomie, quand le ciel dégagé ne tombe pas un samedi soir ou un jour de congés, les opportunités pour observer et conduire à des expériences scientifiques peuvent se faire très rares pour l’amateur, surtout quand il est père de famille et qu’il se doit de s’en tenir à un planning millimétré entre devoirs professionnels, la crèche et le gardiennage jusqu’à des heures tardives. Depuis le 28 septembre, pour les raisons ainsi évoquées précédemment, réaliser de nouvelles observations me fut impossible. Durant mes vacances de Noël, j’avais évidemment pris mon Seestar S50 dans mes bagages sans grand espoir de pouvoir bénéficier d’une soirée dégagée, compte-tenu de prévisions météorologiques plutôt pessimistes en partant. Mais comme toujours, quand la chance peut nous sourire, il convient d’être prêt ; Enorme aurait été sans aucun doute la frustration de retour de mes congés au domicile si je m’étais ravisé à emporter mon petit instrument intelligent. Comme à chaque fois, le Seestar S50 m’aura autorisé l’argumentation d’une éclipse auprès de mes proches de quelques heures pour abattre un petit programme scientifique avec une grande efficacité, tandis que le 26 décembre n’est guère une date pendant laquelle il est habituellement bon de disparaître sans prendre le risque d’écorcher un tant soit peu la bienséance de cette période de fêtes concluant l’année. Il faut bien se l’avouer qu’au même titre que les virus de l’hiver, les événements astronomiques de tout poil ne prennent jamais de vacances. Des surprises sont prévisibles !
La comète C/2023 A3
Je fais partie du petit peloton d’amateurs qui n’ont jamais cru une seule seconde au titre disproportionné attribué à C/2023 A3 de « comète du siècle » ; surtout quand comme moi, on fut un témoin dans sa jeunesse du passage d’une comète autrement beaucoup plus spectaculaire comme C/1995 O1 (Hale-Bopp) capable d’illuminer le ciel d’hiver en quasi-circumpolaire pendant plusieurs mois. Quand C/2023 A3 fut au plus fort de son éclat donc de sa visibilité en octobre, point de frustration de ne pas l’avoir observée dans des conditions rendues parfois difficiles par sa faible altitude à l’ouest en tout début de nuit. L’opportunité de la pointer deux mois après le grand tapage médiatique à son sujet dans la constellation de l’Aigle m’excitait bien plus, si ce n’est simplement pour savoir ce qui pouvait bien en rester de cette comète du siècle. C’est-à-dire déjà plus grand chose :
L’étoile variable Z UMi
L’étoile variable Z UMi est une RCB. Une variable capable de perdre jusqu’à 9 magnitudes dans ses assombrissements les plus extrêmes. En octobre-novembre, elle aura ainsi atteint le plafond de son minima autour de Mag 19. Depuis, elle entame plutôt rapidement sa remontada puisque le suivi de sa courbe de lumière auprès de l’AAVSO montre une magnitude comprise entre 15,5 et 16 au 10 janvier 2025 (date d’écriture de cet article). Une cible très difficile pour le Seestar S50 (magnitude 16-17 max) quand elle plonge aussi bas. Toutefois, grâce au cumul de 18 expositions de 30 secondes le 26 décembre dernier, on peut identifier aisément le très très faible signal émis par la variable Z UMi dans le bruit de fond de l’image mais pas assez pour une mesure photométrique :
Sur ce plan, le logiciel de photométrie différentielle VPhot développé par l’AAVSO peut se révéler assez remarquable même quand le résultat de la mesure peut nous laisser sceptique compte-tenu du trop peu de signal de l’étoile capturé par le Seestar S50 (SNR minuscule de 6). Avec quatre étoiles de comparaison et une étoile de contrôle, VPhot en a déduit une magnitude de 16,161 de ce si peu de signal quand les mesures d’autres observateurs CCD dans le même canal l’estimait autour de 16,5. Pas mal ! 😀
Des mesures photométriques qui portent leurs fruits
Il convient de le rappeler : J’ai débuté l’observation des variables depuis seulement le mois d’août 2024. Jusqu’ici n’ayant aucune expérience en photométrie et apprenant peu à peu à réaliser ce type de mesures en parfait autodidacte avec pour seules lignes directrices, ma curiosité et l’empirisme du terrain sur cibles réelles, j’ai tâtonné longtemps avant de me convaincre d’être sur la bonne voie. Sur cette période de quatre mois, j’ai réalisé seulement six séances d’observations au cours desquelles je n’ai produit que 69 mesures photométriques. Cependant, avec un peu de méthode dans le suivi de mesures, elles peuvent porter assez rapidement leurs fruits. Finalement grâce à cette météo capricieuse qui m’aura tenu loin de la pratique pendant trois mois, deux étoiles variables se distinguent tout particulièrement par leur variabilité importante entre leurs images du 28/09 et celles du 26/12 :
Dans les deux cas, les étoiles variables VS Cas et X Cam ont perdu environ 3 magnitudes en trois mois. Outre la valeur de leur magnitude estimée au millième par la photométrie d’ouverture différentielle, une telle différence de luminosité ne manque pas non plus l’occasion d’interpeller l’oeil à la simple comparaison graphique des images.
Les dangers de la saturation des niveaux d’une étoile en photométrie
Réussir une bonne mesure photométrique en CCD incombe à la fois d’avoir assez de signal de l’étoile à mesurer quand elle est très faible mais également de ne pas en capturer de trop quand l’étoile à mesurer est lumineuse. Comme tout débutant en observation des étoiles variables, il m’aura fallu tout d’abord établir une liste d’étoiles variables cibles à surveiller. Beaucoup moins simple qu’il n’y paraît, cette sélection se retrouve notamment confrontée à la nécessité d’échapper à la surexposition de ces étoiles et donc de devoir les choisir suffisamment faibles en rapport avec la sensibilité du Seestar S50. Les candidates pour construire ma liste avaient donc été choisies pour leur magnitude visuelle d’au moins 7. Malheureusement, malgré toutes les précautions préalables requises dans leur choix, la culture de terrain semble me montrer que pour certaines de ces étoiles sélectionnées, on se retrouve dans la nécessité d’abandonner leur observation pour leur saturation en CCD. Je me suis déjà plusieurs fois retrouvé confronté à ce phénomène depuis août ; lors de ma toute première observation de ST Cam le 26/12, j’ai été contraint d’admettre que cette variable devait de même rejoindre la liste grise des étoiles incompatibles et ne plus jamais faire l’objet d’un suivi. Pour faire preuve d’un minimum de crédibilité auprès d’organismes comme l’AAVSO, l’amateur se doit de vérifier constamment la qualité de ses mesures et de les exclure des courbes de lumière officielles dès qu’un problème aussi minime soit-il est détecté, susceptible de les fausser.
Ma liste de surveillance de variables comptant désormais au 10/01/2025 une cible de moins soit 74 variables.
Cette image montre la coupe de l’onde lumineuse d’une étoile selon si elle est saturée ou correctement exposée telle qu’on peut l’examiner très attentivement depuis un logiciel comme ASTAP. Quand l’étoile présente un plat aussi marqué, il est certain que la mesure photométrique de l’étoile sera complètement fausse et qu’il ne faut pas compter sur cette image CCD pour mesurer ST Cam comme dans cet exemple. D’ailleurs dans le cas bien précis de ST Cam, le plat est si prononcé que ceci induit une erreur d’une magnitude. Quand ST Cam est connue pour sa magnitude de 6,5 ; cette photométrie donne 7,6. A l’opposé, la coupe de l’onde d’une étoile qui se présente très effilée, bien pointue présente la garantie d’une magnitude correctement estimée par le logiciel.