Le mode équatorial (EQ mode) du Seestar

Mars 2025 fut un mois d’innovation pour l’application officielle de ZWO permettant de piloter le Seestar depuis un téléphone ou une tablette, tout comme pour le firmware interne de l’instrument. Depuis la commercialisation de cet astrographe tout-en-un ultra-transportable mi-2023, ZWO se démarque par les nombreuses évolutions pertinentes de la partie logicielle de l’instrument en proposant des fonctionnalités sans cesse croissantes (mosaïque jusqu’à 2x le champ natif de l’instrument, plan automatisé d’observations de plusieurs objets, possibilité de constituer sa propre bibliothèque d’objets personnalisés pour les étoiles variables tout comme les astéroïdes par exemple,…). Mais je crois très certainement que en presque deux ans d’existence, l’évolution logicielle la plus notable sur cet outil fut celle de l’EQ mode (pointage et suivi équatorial du ciel) avec son lot de nombreux bénéfices.

L’EQ mode : Le mode qui change tout (ou presque)

Jusqu’à mars 2025, le Seestar était un astrographe traditionnellement et exclusivement altazimutal, évoluant dans le ciel selon les axes X et Y de l’azimut et de l’altitude des objets pointés (perpendiculaires ou parallèles à l’horizon selon l’axe considéré). L’EQ mode depuis un mois apporte une véritable révolution en permettant (finement, à moins d’un degré d’erreur) la mise en station du Seestar avec l’axe de rotation du ciel comme on le ferait avec un instrument plus courant (lunette, télescope) sur une monture équatoriale allemande.

En découle immédiatement trois gros avantages bien connus, cités régulièrement sur les réseaux sociaux :

  • La disparition de la rotation de champ permettant d’exploiter tout la surface du capteur sans cropper ;
  • Un suivi bien meilleur autorisant de poser confortement jusqu’à 30 sec de poses unitaires ;
  • La qualité du suivi faisant chuter drastiquement le % de rejet d’images unitaires en « live stacking »

Cependant, quatre autres avantages tout aussi cruciaux de l’EQ mode sont rarement évoqués :

  • L’évolution du Seestar sur la voûte céleste en arcs de cercle permet de diviser au moins par deux le temps de pointage pour passer d’un objet à un autre, même diamétralement opposés sur la voûte céleste, en comparaison au mode altazimutal qui exige une longueur de course supérieure aux moteurs ; En science participative, quand le programme d’observations de la nuit est constitué d’une liste de beaucoup de cibles à étudier dans une fenêtre réduite, cette optimisation globale de cet instrument tout-en-un n’est franchement pas anodine ;
  • Le Seestar ne refuse plus de pointer des objets au-delà de 80° de haut. En suivi équatorial, le suivi au zénith est possible ;
  • La constance du cadrage comme de l’orientation d’un champ stellaire surveillé sur plusieurs nuits dans l’année pour un même objet, permettant ainsi de faciliter certains travaux de « tracking » en science participative sur des objets comme les astéroïdes/comètes/variables ;
  • La constance du cadrage autorise les très longues intégrations (20, 30, 40h) sur plusieurs nuits ;
  • Astrométriquement, la grille des coordonnées AD et DEC est correctement orientée avec le champ stellaire étudié

L’EQ mode : Mise en route

A peine deux semaines après la mise à jour 2.4.0 de l’application officielle de ZWO contenant le nouveau EQ mode, ce fut l’heure de le tester, bénéficiant d’une convergence heureuse entre excellente météorologie en Ile-De-France et nécessité de devoir passer quelques jours (4, 5 et 6 avril 2025) en compagnie de mes parents pour honorer un rendez-vous, soit l’opportunité de profiter de leur jardin pour faire mes premiers pas dans le calme avec le Seestar dans ce mode de suivi stellaire. Toute nouveauté méritant du recul.

Basculer en EQ Mode exige tout d’abord une petite mise à jour matérielle dans l’installation du Seestar qui vous en coûtera moins de 100 euros. Pour mettre en station le Seestar avec la rotation céleste, il faut notamment l’incliner en direction du pôle nord céleste contrairement au mode traditionnel AZ-ALT. Pour ce faire, il est nécessaire d’équiper son trépied en filetage 3/8″ (pas du congrès) d’une petite tête équatoriale ultraprécise aux réglages très fins avec une capacité de charge maxi de 5kg comme la Base équatoriale blanche Sky-Watcher pour Star Adventurer. C’est la solution adoptée personnellement avec mon grand trépied MANFROTTO. Important de noter que l’utilisation de l’EQ mode pourrait être risquée avec le petit trépied fourni d’origine avec le Seestar car le fait de devoir incliner assez fortement l’instrument en France métropolitaine pour la mise en station, le centre de gravité étant fortement décalé en dehors de l’axe principal du trépied, ceci pourrait provoquer le basculement accidentel de l’ensemble (trépied + instrument) vers le sol. L’utilisation d’un grand trépied est recommandé.

4 étapes principales conduiront à basculer l’astrographe en suivi équatorial :

  • Incliner grossièrement le Seestar autour de 40° en direction du Nord avec le bouton d’alimentation du Seestar orienté vers le Sud ;
  • Depuis l’application officielle de ZWO, demander à switcher du mode AZ-ALT vers le mode EQ et suivre les instructions. ZWO a encore merveilleusement bien fait les choses pour réaliser une mise en station facilement/rapidement avec des niveaux électroniques interactifs de latitude et longitude, sans devoir souffrir de contorsions aux cervicales comme c’est souvent le cas avec un viseur polaire ;
  • Après avoir faire correspondre la valeur de la latitude courante, il conviendra de lancer le process « Get Polar Align Deviation ». Le Seestar commence alors à se déployer et à prendre plusieurs points de repère dans le ciel. Il finit son cycle d’initialisation en fixant le ciel pas loin du zénith pendant environ 80 secondes afin d’analyser finement le degré d’importance de la dérive des étoiles en latitude et longitude (ce qui ressemble étrangement à une automatisation de la méthode de King que l’on utilisait jadis pour parfaire le suivi d’une monture) ;
  • Pour une mise en station la plus précise possible de l’astrographe, il conviendra alors pour finaliser de faire correspondre au plus près de 0,0 les deux valeurs interactives en jouant sur les réglages fins de la base équatoriale.

ZWO n’a pas oublié le moindre détail comme modifier la couleur du bouton d’alimentation en fonction du mode utilisé :

  • La couleur orange quand le Seestar est en mode AZ-ALT
  • La couleur verte quand le Seestar est en mode EQ

L’EQ mode : Des résultats concrets

Jusqu’à l’inauguration du mode équatorial, réaliser une intégration sur un objet du ciel profond de 60 minutes représentait une véritable épreuve pour moi avec le Seestar, tant par la rotation de champ induite que par le fort pourcentage de rejet d’images (20% en moyenne) en AZ-ALT. Photographier le ciel est devenu un vrai plaisir en mode équatorial, au point de me surprendre moi-même à poser beaucoup plus longtemps et à réaliser mes deux premières intégrations de 90 min avec seulement 4 poses rejetées sur plus de 250 ; sans compter l’observation stupéfiante de l’absence totale réelle de rotation de champ sur l’ensemble du capteur, même au bout de 90 min.

Dans ces conditions, même en étant particulièrement exigeant et critique, c’est très difficile de ne pas y reconnaître un exploit ! 😀 😉