Le géocroiseur PHA (424482) 2008 DG5

Dans la continuité de mes travaux avec le Seestar S50, il me semblait important de parvenir à pousser mes petits challenges personnels avec la petite machine, encore plus loin. Le 25 mai 2025 dans la nuit, en cours de structuration/consolidation de mes bases de données sur le logiciel C2A à partir des sources brutes de l’IAU pour optimiser mes planifications futures en recherche de nouveaux cailloux rigolos à prendre dans mon filet de pêche 2.0, je fus alerté par la magnitude apparente particulièrement inhabituelle de 13,8 de l’un d’entre eux et ce d’autant qu’il ne se situe pas sur une orbite anodine. Après recherche, j’ai effectivement trouvé un peu plus tard des articles attestant que le géocroiseur PHA (424482) 2008 DG5 – Classé donc potentiellement dangereux s’approche de nous jusqu’au 5 juin, date à laquelle il sera à 3,5 millions de km seulement (chose qui ne se reproduira pas avant 2080 pour mes 98 ans). La vie étant parfois bien faite avec le week-end de 4 jours du 29 mai au 1er juin avec une météo instable mais malgré tout assez découverte, j’ai pu bénéficier des conditions favorables pour me rendre à l’observatoire code MPC A07 (Uranoscope) pour tenter une filature de cet astéroïde de 320 à 700 m. C’était le moment ou jamais (les occasions de pouvoir prendre en filature des planètes mineures découvertes si récemment et si petites étant si rares car bien souvent inatteignables (mag 20 à 24)  ; autant tenter l’aventure). L’occasion d’y retrouver Arnaud Leroy qui avait de même mobilisé la petite coupole pour y suivre des occultations d’étoiles par des astéroïdes mais également tout un groupe de très joyeux observateurs de tous niveaux comme de toutes prédilections (planétaire, ciel profond, visuel ou/et CCD).

L’observation et la réduction des résultats

L’observation consista simplement à trouver les coordonnées AD et DEC du champ stellaire dans lequel le géocroiseur devait se trouver à partir de Stellarium mobile et à les utiliser pour créer un objet personnalisé dans l’application ZWO officielle afin de pouvoir diriger automatiquement le Seestar vers cette zone. L’acquisition des images se résumera fort simplement à une session de live-stacking en continu de près d’une heure-trente avec des poses unitaires de 10 secondes, ce qui représente en finalité 355 Fits à dépouiller avec l’excellent progiciel Tycho Tracker. Plus de 300 Fits qui seront finalement réduits en 10 observations astrométriques et photométriques.

First Selected Obs=[2025 05 30.927269]
Last Selected Obs=[2025 05 30.978313]
Timespan=1.23 hours; max residual = [0.398]
Mean RA residual = -0.136 +/- 0.150
Mean DE residual = 0.076 +/- 0.200

Un résultat assez satisfaisant, au point d’en avoir ému Daniel Parrott (le concepteur même de Tycho Tracker) : « Hello Arnaud, Wow, now that really is an accomplishment, to detect such a fast-moving NEO with the Seestar !  And with quite usable measurements as well.  I have used the Seestar to construct a lightcurve of asteroid (9) Metis, but had not attempted a NEO.  It is great to hear that it can work !Bonjour Arnaud, Waouh, c’est vraiment un exploit de détecter un géocroiseur aussi rapide avec le Seestar ! Et avec des mesures tout à fait exploitables. J’ai utilisé le Seestar pour construire la courbe de lumière de l’astéroïde (9) Métis, mais je n’avais jamais tenté de détecter un géocroiseur. C’est formidable d’apprendre que ça fonctionne ! ». En fait, comme me l’avait une fois expliqué Gérard THERIN (1962-2019), l’amateur est capable de produire des choses formidables à condition de partir du principe qu’il faut toujours essayer quelque-chose sans se fixer au préalable de limite psychologique dû à une certitude entre ce qui est du domaine réellement de l’impossible et puis finalement, de l’atteignable.

Animations de détection du géocroiseur dans la time-serie de 355 fits

Animation sur les 10 observations retenues

Déplacement du géocroiseur 2008 DG5 en 1 heure 30 minutes

La récompense ultime d’une observation astronomique d’astéroïde

Ceci pourrait paraître anodin, limite habituel, presque sans saveur pour certains grands habitués à ce genre de procédure rodée mais évidemment pas vraiment pour moi qui débute complètement en astrométrie fine. Domaine dans lequel j’étais encore un vrai bleu, ; il y a à peine un mois et demi, au moment d’investir initialement à la mi-avril dans une licence de Tycho Tracker. La première fois en toute chose nouvelle est toujours ébouriffante ; les prochaines, des confirmations beaucoup plus calmes d’un travail correct.

Sans trop y croire, pour m’amuser complètement en fait, j’avais soumis mes mesures réalisées depuis l’observatoire A07, samedi dans la nuit, au fameux prestigieux MPC. Et telle fut ma surprise, de voir 48h plus tard leur publication dans la liste des mesures officielles au milieu de nombreux autres observatoires autrement mieux outillés. Un peu comme quand on gagne la première fois au loto, il m’a fallu relire plusieurs fois les lignes de mon rapport MPC1992 original pour constater qu’il s’agissait bel et bien de mes 10 observations réduites à partir de mes 355 lights. Le code d’observatoire « A07-Gretz-Armainvilliers » aura donc encore frappé…Avec seulement 50 mm d’ouverture et tout juste un peu l’envie de m’amuser. Ne surtout pas se prendre au sérieux est la clé de réussites ! 😉

Une histoire de couleurs et d’indices

Première fois que j’ai tenté une photométrie tri-bande avec le Seestar :

  • R = 13,27
  • V = 13,82
  • B = 14,62

Les magnitudes ne sont pas transformées et sont difficiles à transformer par l’absence d’étoiles AAVSO dans le champ de 2008 DG5 cette nuit-là. Néanmoins, les R,V,B instrumentaux du Seestar interpellent quand on les compare à plusieurs astéroïdes connus :

Nom de l’objetIndice B-VIndice V-R
(1) Cérés0,680,42
(4) Vesta0,670,39
(15) Eunomia0,880,49
(52) Europa0,70,44
(349) Dembowska0,920,49
(624) Hector0,940,56
(944) Hidalgo0,950,57
(2) Pallas0,670,43
(21) Lutetia0,730,47
(87) Sylvia0,80,51
2008 DG50,80,55

Noter cette proximité entre (15) Eunomia de type S et 2008 DG5. En 2023, une étude publiée dans Astronomy &Astrophysics a classé 2008 DG5 comme un astéroïde de type S. Néanmoins, l’indice V-R de 2008 DG5 a de quoi interroger, anormalement trop rouge pour un type S, ce qui pourrait laisser supposer que l’albédo de 0,81 puisse indiquer une surface particulièrement réfléchissante ou des caractéristiques uniques. Un indice V-R qui supposerait une variante atypique de S-Complexe caractérisée par une pente rouge plus prononcée et encore plus vraisemblablement, une exposition au vent solaire capable de « rougir » la surface (effet de space weathering). La question est posée et le débat ouvert… 😕